Un nouveau rapport portant sur les lois canadiennes en matière de liberté d'information livre de sévères critiques à l'endroit du gouvernement fédéral pour ses piètres performances en matière de dévoilement des données informatiques, au moment où l'administration Harper vante sa politique de «données ouvertes».

L'organisme «Journaux canadiens» a testé les lois sur la transparence des gouvernements municipaux, provinciaux et fédéraux en déposant près de 400 demandes formelles d'accès à l'information entre octobre et novembre dernier. Il s'agissait de la 10e vérification annuelle menée par l'organisation.

La version de cette année a ajouté 172 demandes de données électroniques - que l'information soit livrée dans un format qu'un ordinateur pouvait lire et utiliser.

La plupart des organisations gouvernementales n'ont pas répondu à cette exigence, insistant plutôt pour fournir les données sur des documents en papier, ou les convertir en fichiers PDF ou en fichiers d'image - ce qui est impossible à traiter puisque les données ne peuvent être lues par les chiffriers ou les programmes d'analyse de données.

Certains ministères fédéraux ont été parmi les plus récalcitrants, alors que le gouvernement fait la promotion de son programme de «données ouvertes» comme preuve de sa transparence, incluant la publication en ligne de quelque 200 000 ensembles de données.

L'enquête a conclu que le Bureau du conseil privé - le «ministère du premier ministre» Stephen Harper - a refusé de dévoiler quelque information que ce soit en format électronique, insistant plutôt pour des documents sur papier.

«Partout dans le monde, les gouvernements se tournent vers la notion d'accès ouvert aux données, mentionne le rapport, préparé par Fred Vallance-Jones, professeur agrégé de journalisme à l'Université King's College, à Halifax.

«Cette promesse d'accès ouvert aux données perd beaucoup de sa valeur si ce ne sont que des données approuvées et soigneusement contrôlées par les fonctionnaires qui sont rendues publiques. Ces données doivent aussi être disponibles sur demande dans le cadre des lois entourant l'accès à l'information, et ce, dans des délais raisonnables et à des coûts raisonnables...

«En fait, tant à Ottawa que dans d'autres instances gouvernementales au pays, l'engouement pour l'accès ouvert aux données diminue souvent lorsque les fonctionnaires reçoivent une demande d'accès pour des données électroniques», peut-on également lire.

Le rapport fait aussi état d'une «résistance qui s'est parfois transformée en arrogance» de la part du Bureau du conseil privé, pour avoir constamment refusé de fournir des documents en format électronique, même si le bureau détenait cette information dans un tel format. L'article 6 de la Loi sur l'accès à l'information stipule clairement qu'un ministère doit «communiquer le document en temps utile sur le support demandé», ajoute le rapport.

Par contre, certains ministères du gouvernement fédéral - la Défense nationale, les Travaux publics et les Affaires autochtones - ont fourni les données informatiques demandées dans des formats compatibles avec un chiffrier, et ce dans un délai raisonnable.

Le projet a aussi permis de mesurer le délai de réponse pour chaque demande, que ce soit pour des données ou pour d'autres informations.

La plupart des lois fixent une période initiale de 30 jours pour le dévoilement des documents demandés, bien que des prolongations de ces délais soient fréquentes. Transports Canada vient en tête de liste pour le plus long délai, soit 340 jours pour des notes d'information ministérielles liées à la tragédie de Lac-Mégantic - des données qui n'avaient toujours pas été rendues publiques à la fin de l'enquête.

«Le rendement du gouvernement fédéral est à nouveau parmi les pires en 2014. Moins de la moitié des demandes furent traitées dans le temps officiellement imparti de 30 jours, ce qui est légèrement pire que dans les récentes enquêtes», souligne le rapport, qui a accordé une note de «F» au gouvernement fédéral en matière de promptitude.

Le rapport a aussi critiqué Radio-Canada, qui a censuré une section d'une note d'information sur «la transparence et l'imputabilité» à l'intention de son président, Hubert Lacroix, sur la question de l'ajout ou non de publicité à certains services du réseau radiophonique.

«Une des plus grandes ironies de la présente enquête fut le secret entourant Radio-Canada, dont les journalistes enquêtent régulièrement sur les agences gouvernementales pour renseigner le public, et qui utilisent beaucoup les lois sur l'accès à l'information.

«Radio-Canada a aussi caviardé les coûts des contrats pour l'achat et la vente de programmation, en soulignant que cette information se place sous une exemption spéciale de la Loi sur l'accès à l'information concernant ses activités de programmation.

«Le diffuseur n'a rendu publique que très peu d'information sur l'ajout de publicité à certains de ses services radio, et les notes d'information à l'intention d'Hubert Lacroix, le président de Radio-Canada, sur la même question furent quasi entièrement censurées, y compris tout ce qui touchait la transparence et l'imputabilité», souligne aussi le rapport.

La Ville de Québec a également fait l'objet de critiques pour avoir exigé des frais de 72 $ pour photocopier de l'information demandée sous forme électronique, sans même préalablement vérifier si le demandeur pouvait ou voulait payer.

Par ailleurs, le Québec a reçu une note positive pour avoir été la seule province à pouvoir communiquer toutes les plaintes de prisonniers dans un établissement correctionnel.