La Commissaire à l'information du Canada pousse un cri d'alarme sans précédent: le système de l'accès à l'information se détériore de manière dramatique au gouvernement fédéral et des solutions doivent être apportées de toute urgence.

> Le rapport de la commissaire à l'information

La commissaire Suzanne Legault a déposé un rapport annuel lapidaire au Parlement jeudi. Elle note que le nombre de plaintes déposées à son bureau a augmenté de près de 9 % l'année dernière, et de 38 % dans les six premiers mois de l'année en cours.

Mme Legault blâme directement un manque de leadership politique et bureaucratique pour l'état de dégradation du système. Elle en a fait part au ministre responsable de l'application de la loi, le président du Conseil du Trésor Tony Clement, au cours d'une rencontre la semaine dernière.

«Ce que j'ai vu dans la dernière année, je ne l'avais jamais vu auparavant. La défaillance du système est plutôt dramatique. Et ça ne s'améliore pas. C'est ce qui me préoccupe. C'est ce que j'ai dit au ministre», a-t-elle dit.

«J'ai dit au ministre que je le tiendrais responsable publiquement», a-t-elle ajouté.

Solutions

La Commissaire à l'information n'est pas allée jusqu'à accuser les politiciens ou les hauts fonctionnaires fédéraux d'obstruction intentionnelle. «Ce que je constate, c'est qu'on a une loi qui est quasi-constitutionnelle, qui est fondamentale à la démocratie canadienne, qui est un droit fondamental des Canadiens, et qui n'est pas respectée», a-t-elle dit.

«Je ne connais pas d'autre loi au niveau fédéral qui est si ouvertement non respectée par les autorités gouvernementales.»

Elle exhorte les parlementaires et les membres du gouvernement à remédier aux problèmes de ressources financières et humaines qui minent la capacité des ministères et organismes de répondre aux demandes d'accès à des documents fédéraux dans les délais prescrits par la loi. 

Elle dénonce aussi le fait que la loi ne contient aucune mesure pour contraindre le gouvernement à respecter ses obligations, ce qui à ses yeux est un non-sens. «Quand les payeurs de taxes n'envoient pas leur rapport d'impôt à temps, on leur facture de l'intérêt s'ils doivent de l'argent au gouvernement. Il y a une sanction immédiate qui s'applique aux Canadiens. Pourtant, le gouvernement a le droit de ne pas respecter leurs droits», a-t-elle lancé.

Parlement

La Loi sur l'accès à l'information, qui fête ses 30 ans cette année, permet aux Canadiens de demander des documents du gouvernement, qui dispose de 30 jours pour les remettre. Or, les délais sont très souvent supérieurs à 30 jours et de plus en plus de demandeurs se plaignent de s'être fait refuser l'accès à des données qui existent et qui ne sont pas visées par des exceptions au principe de l'accès.

La commissaire a cité le dossier de Lac-Mégantic en exemple: les nombreuses demandes faites auprès du ministère des Transports dans la foulée de la tragédie reçoivent un avis de prolongation de délai de plus d'un an.

Mme Legault a expliqué que le nombre de demandes, tout comme celui des plaintes, augmente chaque année. Et que le gouvernement, en particulier depuis les compressions budgétaires annoncées depuis 2012, n'a pas les ressources nécessaires pour respecter ses obligations.

«Ce n'est pas une tendance qui a commencé avec le gouvernement conservateur. Si on regarde les statistiques, le déclin a commencé environ en 1999-2000», a-t-elle cependant ajouté.

Mais cette dégradation accrue depuis un an l'a forcé à agir, a-t-elle souligné. «Je ne crois pas que vous m'avez entendu parler d'une manière aussi directe depuis que je suis devenue commissaire de l'information. Il y a une bonne raison pour laquelle je le fais: la raison est que ce qui se passe avec le système, je ne l'ai jamais vu depuis que je suis entrée en poste.»

Maintenant, «on a deux choix, et ce sont des choix de parlementaires, a conclu Mme Legault. On peut dire : on a une loi d'accès à l'information, on l'a depuis 30 ans, on la respecte et on s'assure qu'on met les ressources nécessaires pour la respecter. Ou bien on décide qu'on ne la respecte pas. Et à ce moment-là, on peut tout simplement abroger la loi.»

La commissaire recommande d'ailleurs que la loi fédérale sur l'accès à l'information s'applique aux parlementaires. La Chambre des communes et le Sénat n'y sont pas soumis.