Comme s'il s'agissait d'un mot interdit, Thomas Mulcair n'a pas prononcé une seule fois le nom de Justin Trudeau dans le discours de clôture de son caucus. Mais cela ne l'a pas empêché de lui réserver ses salves les plus fortes - et de remettre en question sa volonté d'intervenir en faveur de la classe moyenne.

Le chef néo-démocrate a livré une allocution aux allures de campagne électorale, mercredi, devant ses députés réunis à Saskatoon pour préparer la rentrée parlementaire. Sans relâche, il a martelé que les Canadiens avaient une autre option que l'alternance des gouvernements conservateurs et libéraux, un autre choix que de franchir la porte bleue ou rouge.

Il s'est affairé à assimiler M. Trudeau à Stephen Harper, tentant d'atténuer la ligne qui les sépare, qualifiant libéraux et conservateurs de «vieux partis» qui ne cherchaient qu'à protéger leurs acquis et leurs amis.

«Les deux vieux partis ont le culot de penser que les Canadiens n'ont pas d'autre choix que de les porter au pouvoir chacun leur tour», a lancé M. Mulcair à ses 99 députés réunis depuis lundi dans les Prairies.

«Les Canadiens ont un autre choix. Ils ne sont pas obligés d'alterner entre la corruption conservatrice et la corruption libérale.»

Mais pourquoi refuser de prononcer ne serait-ce qu'une seule fois le nom de son adversaire libéral, alors qu'en comparaison, le nom de Stephen Harper n'est pas tabou?

«Vous devriez signaler quelque chose que Justin Trudeau a fait pour que je puisse être capable de le mentionner», a-t-il ironisé plus tard en conférence de presse, évoquant l'expérience limitée de son adversaire.

Attaques

M. Trudeau trône en tête des sondages sur les intentions de vote des Canadiens depuis qu'il a été élu chef de son parti en avril dernier. Après avoir choisi d'ignorer celui qui semble être devenu la nouvelle coqueluche de la politique fédérale, le chef néo-démocrate lui réserve maintenant une belle part de ses flèches.

Aux yeux de M. Mulcair, ce ne sont pas les conservateurs qui sont coupables de l'écart grandissant entre les riches et les pauvres, mais les libéraux.

«Les libéraux espèrent peut-être que les Canadiens oublieront leur passé, que suffisamment de temps s'est écoulé. Mais au cours de ces 35 dernières années, 94 pour cent de l'inégalité des revenus enregistrée au Canada s'est produite sous des gouvernements libéraux, pas conservateurs», a soutenu M. Mulcair, citant une échelle mesurant l'inégalité par Statistique Canada.

Il s'en est pris ainsi au coeur du message de M. Trudeau, qui répète qu'il veut améliorer les conditions de la classe moyenne.

Et il a n'a pas manqué de brosser le reste du tableau. Libéraux et conservateurs ont «volé la caisse de l'assurance-emploi», a-t-il affirmé. Les deux partis se sont débarrassés des réglementations qui protégeaient le public, dans l'industrie alimentaire comme dans le secteur ferroviaire. Et ils ont «échoué» à agir contre les changements climatiques, a-t-il insisté.

Il est allé jusqu'à avancer que les libéraux rompaient leurs promesses. «Si vous regardez l'histoire du parti libéral, vous verrez une constance de dire aux gens ce qu'ils pensent qu'ils veulent entendre juste pour se faire élire».

Économie

La priorité d'un gouvernement néo-démocrate serait la création de bons emplois à temps plein. Mais lorsque interrogé sur sa stratégie en la matière, il n'a pas fourni de réponse précise sur comment il entendait s'atteler à cette tâche.

Il a toutefois dressé une liste de promesses plus spécifiques: redescendre l'âge de l'admissibilité à la Sécurité de la vieillesse à 67, injecter plus d'argent dans l'éducation pour les Premières Nations, mieux protéger les régimes de retraites des faillites des entreprises, ainsi qu'encourager l'expansion d'un programme de garderies subventionnées semblable à celui en place au Québec.

Comment entend-il financer cela? Pas question d'augmenter les impôts des particuliers, a-t-il martelé. M. Mulcair entend toutefois hausser les impôts des entreprises, afin de raligner le taux de taxation canadien sur celui des Américains.

Un plan d'action plus détaillé sur l'énergie et la gestion des ressources naturelles au pays devrait par ailleurs être présenté au cours de l'automne. Il promet également de déposer un programme complet et chiffré avant les prochaines élections.