Le gouvernement canadien croit avoir bloqué in extremis l'entrée au Canada d'une centaine d'immigrants clandestins roms qui étaient aux États-Unis et se dirigeaient vers Stanstead, avec l'aide du réseau criminel sur lequel La Presse a levé le voile lundi.

Le ministre de la Citoyenneté, de l'Immigration et du Multiculturalisme, Jason Kenney, a fait cette révélation lors d'une entrevue exclusive, dans le cadre de notre enquête sur le réseau basé dans la ville roumaine de Craiova et dirigé par trois ex-Montréalais.

L'organisation facilitait l'entrée illégale au Canada de demandeurs d'asile roms. Parmi eux, plusieurs étaient impliqués dans des clans de voleurs devenus très actifs au Canada. Une partie des produits de leurs crimes était renvoyée à Craiova.

«Selon notre renseignement, il y a peut-être une centaine de personnes liées au même réseau, qui sont aux États-Unis et qui ne sont pas encore entrées ici. Et la raison pour laquelle nous avons agi rapidement et agressivement, c'était pour envoyer un message aux Roumains qui se trouvent aux États-Unis que nous n'accepterons pas ça», a expliqué le ministre.

M. Kenney affirme qu'il est «très au courant» de la vague de vols qui a été reliée à cette filière par plusieurs services de police.

«Certains de ceux qui sont arrivés au Québec sont allés vers l'Ouest jusqu'à Thunder Bay et même jusqu'à Winnipeg. Et dans toutes les communautés où ils sont allés, on s'est retrouvé avec un problème de criminalité», a-t-il indiqué.

En décembre dernier, dans l'espoir de freiner le phénomène, Jason Kenney s'est rendu à Stanstead, point d'entrée des immigrants clandestins, et a désigné 85 personnes venues de Roumanie comme une «arrivée irrégulière» liée au crime organisé.

Cette mesure légale, utilisée pour la première fois par le gouvernement canadien, a soulevé la controverse et a été dénoncée par les groupes de défense des réfugiés. Elle facilite la détention et le renvoi des personnes visées.

Le ministre croit qu'elle a porté ses fruits. «Depuis la désignation, on a eu une seule arrivée de gens de Craiova, et c'était en Colombie-Britannique, donc ce n'est peut-être pas lié au même réseau. Ce qui était important, c'était que l'annonce de Stanstead envoie un message clair au réseau, et je crois que le message a passé», a-t-il souligné.

M. Kenney a aussi suivi les opérations policières à Craiova contre les ex-Montréalais accusés d'avoir dirigé l'organisation criminelle. «Je suis très content qu'avec l'aide de la GRC, nous ayons pu avoir des arrestations», a-t-il dit.

Malgré tous ses efforts pour freiner leur entrée illégale au Canada, le ministre se dit sensible au sort peu enviable des Roms en Europe.

«On est sensibles à la situation difficile de la communauté rom en Europe orientale. Nous savons qu'il y a de la discrimination, et parfois des actes de violence. Il y a certainement un manque d'intégration, mais peu d'entre eux avaient une preuve de persécution», a-t-il expliqué.

«J'ai visité la Hongrie et la Roumanie, j'ai rencontré des leaders roms, j'ai fait une analyse. Ce n'est pas juste de dire qu'il y a des actes violents contre les Roms tout le temps. Il y a des néo-fascistes, c'est un problème que je ne nie pas, mais de dire qu'ils doivent tous quitter l'Europe est ridicule», a-t-il conclu.