Le gouvernement fédéral va soumettre son projet de réforme du Sénat à la Cour suprême du Canada a laissé entendre le premier ministre Stephen Harper, vendredi à Lévis. En point de presse sur une annonce locale, en présence de Pauline Marois, M. Harper a rappelé que le Québec avait déjà indiqué son intention de soumettre aux tribunaux le projet fédéral de réforme de la Chambre haute.

Ottawa propose que les sénateurs soient nommés pour un mandat de neuf ans, plutôt que choisis jusqu'à leur retraite, à 75 ans. On propose aussi que les provinces aient leur mot à dire dans la sélection des candidats, mais le premier ministre canadien resterait ultimement celui qui nommerait les sénateurs comme c'est le cas actuellement. 

En point de presse, M. Harper a ironisé sur le fait que les partis d'opposition à Ottawa aient blâmé le gouvernement de tergiverser, «c'est intéressant puisqu'ils retardent les choses depuis six ou sept ans» dira M. Harper.

Le Parti libéral du Canada pressait depuis près de six ans le gouvernement Harper de soumettre un renvoi à la Cour suprême du Canada afin de déterminer la légalité de sa réforme contenue dans le projet de loi C-7.

La transformation du Sénat en Chambre haute élue et plus représentative est un projet de longue date de Stephen Harper et de sa base électorale de l'Ouest canadien. Mais depuis son accession au pouvoir, il s'est heurté à une opposition farouche du Parti libéral et de certaines provinces, en particulier du Québec.

M. Harper a donc nommé des dizaines de sénateurs non élus depuis 2006, au point d'obtenir une majorité à la Chambre haute. Jusqu'ici, il a tout de même nommé trois sénateurs issus d'un scrutin consultatif qui se tient en Alberta en même temps que les élections provinciales.

Le NPD, lui, souhaite carrément abolir cette institution, qu'il juge coûteuse, inutile et uniquement destinée à récompenser les amis du parti au pouvoir. 

Le député libéral Stéphane Dion estime que le gouvernement Harper entend finalement raison en soumettant un tel renvoi au plus haut tribunal du pays. 

« C'est une bonne idée parce que le gouvernement persiste à faire ce projet de loi, qui est un mauvais projet de loi », a-t-il déclaré. 

M. Dion, qui est l'un des plus ardents détracteurs de cette réforme, y voit trois principaux problèmes. D'abord, dit-il, les changements unilatéraux envisagés par les conservateurs sont inconstitutionnels puisqu'ils nécessiteraient l'approbation des provinces. Ensuite, le fait d'avoir deux chambres élues serait susceptible de paralyser le processus parlementaire, à l'instar des relations parfois problématiques observées au Congrès américain. Enfin, dès sa naissance, ce nouveau Sénat élu ne serait pas représentatif de la répartition de la population du Canada, ce qui serait injuste pour l'Alberta et la Colombie-Britannique, qui ne possèdent à elles deux que 11% des sénateurs. 

Dans son renvoi à la Cour d'appel du Québec, en mai dernier, le gouvernement Charest a demandé au plus haut tribunal de la province de déterminer si les changements envisagés au mode de sélection des sénateurs et à la durée de leur mandat nécessitent l'aval des assemblées législatives d'au moins les deux tiers des provinces, représentant 50 % de la population du Canada. 

M. Harper a rappelé que le gouvernement du Québec «avait déjà référé certains aspects de notre législation au tribunal. C'est une réalité, à l'évidence on doit le prendre en considération. Nous aurons une annonce à faire dans un proche avenir » a-t-il soutenu.

Pauline Marois a pu directement souligner le désaccord de Québec sur le projet fédéral de soumettre sa réforme du Sénat à la Cour suprême. À l'issue d'une rencontre de plus de 40 minutes avec son homologue fédéral, à Lévis, elle a souligné que M. Harper avait été limpide sur son intention de solliciter l'avis du plus haut tribunal du pays.

«Notre point de vue est différent. On a demandé au fédéral d'attendre sur cette question. M. Harper a dit qu'il voulait aller en Cour suprême, et il semblait clair dans son esprit qu'il voulait y aller maintenant. On verra s'il y va maintenant» de soutenir Mme Marois. «C'est la constitutionnalité, qui est en jeu, nous pensons que l'appui des provinces est nécessaire, il pense que ce n'est pas le cas. On verra la réponse de la cour fédérale ou de la Cour du Québec. Il va y aller et nous aussi. Et nous n'avons pas le même point de vue ! » a-t-elle conclu.

Lors d'une conférence de gestion de l'instance qui a eu lieu la semaine dernière, la Cour d'appel a reconnu trois intervenants dans la cause: le sénateur libéral Serge Joyal, la Société de l'Acadie et du Nouveau-Brunswick et la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. Elle a donné aux trois intervenants et au procureur général du Québec jusqu'au 30 septembre pour déposer leurs mémoires. Le procureur général da Canada a jusqu'au 15 novembre.