Sévir contre les passeurs et contre les «faux réfugiés». Depuis l'arrivée de l'Ocean Lady et du Sun Sea, deux bateaux transportant des Tamouls, le gouvernement conservateur a promis de changer les règles du jeu pour les demandeurs d'asile. Minoritaire, il avait adopté le projet de loi C-11, fruit de compromis avec les partis de l'opposition. Majoritaire, il a plutôt présenté en février le projet de loi C-31, vivement contesté par les juristes et défenseurs du droit des réfugiés. Actuellement en troisième lecture à la Chambre des communes, C-31 devrait être adopté avant la fin de la session parlementaire. Si le gouvernement a consenti à quelques amendements sur les mesures les plus décriées, C-31 est encore loin de faire l'unanimité.

Première déçue, l'opposition officielle. «On a proposé une vingtaine d'amendements. Malheureusement, ils n'ont pas été adoptés», déplore Sadia Groguhé, députée de Saint-Lambert et porte-parole adjointe du Nouveau Parti démocratique (NPD) en matière d'immigration.

Certes, le gouvernement a consenti à fixer deux audiences de révision de détention pour les demandeurs d'asile placés en détention (après 14 jours et 6 mois, plutôt qu'après un an, comme c'était initialement proposé, voir encadré), et à abandonner la révocation de la résidence permanente pour les réfugiés.

Mais même réduite à six mois, la durée de la détention sans révision est contraire à la Charte et pourrait être contestée devant les tribunaux, croit Mitchell Goldberg, avocat en droit de l'immigration et vice-président de l'Association canadienne des avocats et avocates en droits des réfugiés.

Le délai de cinq ans imposé aux réfugiés reconnus par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR), mais arrivés de façon irrégulière semble aussi particulièrement «cruel», selon M. Goldberg.

«Les réfugiés reconnus ne peuvent pas faire venir les enfants et leur conjoint pendant cinq ans. Mais avec les délais de traitement de deux ans, cela fait sept ou huit ans avant de réunir sa famille alors qu'aujourd'hui, ils peuvent commencer les démarches tout de suite.»

Enfin, les pouvoirs conférés aux ministres de l'Immigration et de la Sécurité publique pour désigner les arrivées irrégulières ou les pays sûrs inquiètent l'opposition. Ces désignations sont en effet lourdes de conséquences pour les demandeurs d'asile.

«Le ministre a un pouvoir discrétionnaire assez fort avec la désignation des pays sûrs sans aucun expert. Nous avons réfuté cette disposition, en arguant du fait que même les pays démocratiques ne peuvent être désignés comme sûrs, par exemple, pour les personnes lesbiennes, transgenres, ou encore certaines minorités comme les Roms. Le ministre s'accorde un pouvoir supplémentaire et pour des questions aussi importantes que des questions de persécution, il faut un avis d'expert, un avis impartial», estime Mme Groguhé.

«Nous assistons à une déformation du droit des réfugiés. Un réfugié est déclaré réfugié au vu de son histoire personnelle, et non pas par son moyen d'entrée au pays ou son pays d'origine.»