(Québec) Le message était à peine voilé. Au moment de leur prestation de serment, mardi, le premier ministre François Legault a vanté les mérites de ses députés (90 élus caquistes dans les 17 régions du Québec), mais il les a aussi prévenus qu’il ne tolérerait pas de chicane dans ses troupes.
Le chef de la CAQ a fait cet appel à l’unité alors qu’il présentera jeudi son Conseil des ministres, où certains députés risquent d’être déçus de ne pas franchir les portes du conseil exécutif. Déjà, certains noms associés à des ministères ou à des fonctions commencent à filtrer. La Presse a appris que Simon Jolin-Barrette resterait leader parlementaire du gouvernement. Lionel Carmant, qui « espère » conserver ses fonctions de ministre délégué aux Services sociaux, ne sera pas déçu. Il les conservera, selon nos informations.
L’ex-PDG du CISSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, Sonia Bélanger, deviendrait l’autre ministre déléguée à la Santé, responsable des Aînés, avec pour mission de développer les soins à domicile. En campagne électorale, François Legault a assuré que Christian Dubé resterait à la Santé, tout en évoquant le maintien de deux ministres délégués.
« J’aime l’économie, j’ai exprimé [au premier ministre] que j’ai l’intérêt pour l’économie », a également soutenu Pierre Fitzgibbon, alors que La Presse rapportait la semaine dernière qu’il se voyait à la tête d’un « superministère » de l’Économie.
Geneviève Guilbault s’est dite « très attachée au ministère de la Sécurité publique » pour avoir été à sa tête depuis quatre ans, en plus d’avoir travaillé au Bureau du coroner auparavant. Mais elle a souligné qu’il ne lui est pas impossible d’avoir d’autres responsabilités. Elle n’a ni confirmé ni infirmé qu’elle souhaiterait un dossier de nature économique.
Appel à l’unité
Parfois ému dans son discours au Salon rouge de l’hôtel du Parlement, indiquant qu’on ne s’habitue pas à fréquenter un lieu aussi chargé historiquement, M. Legault a souligné les talents réunis au sein de l’aile parlementaire de la CAQ : « C’est intimidant, c’est gênant presque de voir toutes ces personnes qui ont travaillé dans la même équipe. »
Mais à ces élus (62 de ses collègues n’en sont pas à leur premier mandat, alors que 27 vivaient mardi leurs premiers pas à Québec), François Legault leur a dit qu’il existe un seul endroit où exprimer leur désaccord, s’ils en ont au cours des quatre prochaines années : en privé, en caucus.
C’est pas d’hier, c’était comme ça chez Air Transat et partout où je suis passé. Je ne tolère pas qu’il y ait de la chicane dans la famille. En privé, en caucus, on peut tout se dire, mais quand on sort du caucus, on est un bloc uni, impossible à traverser.
François Legault
Dans son discours, alors que le Salon rouge était plein à craquer, François Legault a promis que son gouvernement travaillerait pour tous les Québécois, y compris ceux qui n’ont pas voté pour son parti. La CAQ a remporté le 3 octobre dernier 90 sièges au Parlement, récoltant 41 % des suffrages exprimés. Les libéraux, qui forment l’opposition officielle avec 21 députés, ont obtenu 14,4 % des votes, alors que Québec solidaire a fait élire 11 députés (avec 15,4 % des votes) et le Parti québécois, 3 députés (14,6 % des votes).
Le Parti conservateur du Québec n’a aucun élu, même si près de 13 % des électeurs ont voté pour la formation politique d’Éric Duhaime. Ce dernier tiendra ce mercredi un point de presse devant le parlement, ne pouvant plus le faire à l’intérieur, faute d’avoir un député.
Dans son discours, M. Legault a souligné mardi le nombre de femmes élues au Parlement. Il a aussi salué l’élection dans la circonscription de Duplessis de Kateri Champagne Jourdain, première députée autochtone, originaire de la communauté innue d’Uashat Mak Mani-utenam, sur la Côte-Nord. Cette dernière a d’ailleurs fait son serment en français et en langue innu-aimun.
« De pouvoir prononcer un discours en innu dans les murs de l’Assemblée nationale, ça me remplit de fierté. C’est important de promouvoir et de préserver les langues autochtones, c’est aussi ce que le gouvernement a fait dans les quatre dernières années et on va continuer dans ce sens-là », a-t-elle dit. François Legault a promis pendant la campagne de déposer une « loi 101 » pour protéger les langues autochtones.
Une date à encercler
Une fois les prestations de serment terminées, vendredi, François Legault convoquera l’Assemblée nationale pour une reprise des travaux parlementaires le 29 novembre, ce qui donnera lieu à une très courte session avant la relâche des Fêtes.
Ce jour-là, les députés éliront le président de l’Assemblée nationale, comme le veut la procédure parlementaire. C’est en voie d’être une présidente pour la deuxième fois seulement de l’histoire, après Louise Harel en 2002-2003 : Nathalie Roy est candidate et elle a l’appui de François Legault.
Je vous confirme que j’ai manifesté mon intérêt pour ce poste […], c’est après une mûre réflexion parce que j’ai dit dès le jour 1, je suis quand même ici depuis 2012, qu’il y aurait peut-être lieu d’améliorer la procédure parlementaire. J’ai toujours été attirée par la chose parlementaire.
Nathalie Roy
Le 30 novembre, le premier ministre prononcera le discours d’ouverture de la session, la feuille de route de son deuxième mandat. François Legault a promis que son tout premier projet de loi de la session visera à plafonner la hausse des tarifs gouvernementaux à 3 % ou à l’inflation si elle est inférieure. Il pourrait être déposé le 1er décembre.
Le ministre des Finances, Eric Girard, a prévenu qu’il estimait toujours à « 50 % » les risques d’une récession au Québec. « On est dans le domaine de l’incertain, ce qui est clair, c’est que la croissance ralentit […]. C’est certain que le taux de croissance anticipée pour 2023 est plus faible qu’au rapport préélectoral », a-t-il dit.
Comme M. Legault s’y était engagé, des chèques de 400 $ à 600 $ seront envoyés au cours du même mois pour aider les Québécois gagnant moins de 100 000 $ par année à faire face à la hausse exceptionnelle du coût de la vie.
Avec Denis Lessard et Fanny Lévesque, La Presse
Les nouveaux visages de la CAQ
Voici les membres de la Coalition avenir Québec (CAQ) qui ont prêté serment pour la première fois à l’Assemblée nationale mardi.
Karine Boivin Roy
Anjou–Louis-Riel
51 ans
Avocate de formation, elle a siégé huit ans comme conseillère municipale à Montréal dans l’équipe d’Ensemble Montréal, ex-formation politique de Denis Coderre. La circonscription d’Anjou–Louis-Riel était représentée par le Parti libéral depuis 1998.
France-Élaine Duranceau
Bertrand
47 ans
Mme Duranceau est comptable de formation et a notamment été vérificatrice et fiscaliste chez Raymond Chabot Grant Thornton ainsi que directrice principale de la fiscalité chez Transcontinental. Elle a remplacé Nadine Girault, ex-ministre des Relations internationales, qui ne s’est pas représentée sur la Rive-Nord.
Catherine Blouin
Bonaventure
36 ans
Conseillère en communication et chargée de projet au CISSS de la Gaspésie, elle a remporté par plus de 3000 voix cette circonscription que le Parti québécois espérait conserver.
Kariane Bourassa
Charlevoix–Côte-de-Beaupré
31 ans
Ancienne journaliste à TVA Nouvelles, Mme Bourassa remplace l’ancienne députée caquiste Émilie Foster, qui ne s’est pas représentée.
Marie-Belle Gendron
Châteauguay
41 ans
Ancienne directrice d’une clinique dentaire, elle a également été présidente de la Chambre de commerce et d’industrie du Grand-Roussillon. Elle succède à la caquiste MarieChantal Chassé, qui a quitté la vie politique.
Martine Biron
Chutes-de-la-Chaudière
60 ans
Ancienne analyste politique pour Radio-Canada, Mme Biron a fait le saut en politique à la fin de l’été. Elle a été élue dans ce château fort adéquiste, puis caquiste, et succède au vétéran Marc Picard.
Mathieu Rivest
Côte-du-Sud
46 ans
Directeur général du Camp musical Saint-Alexandre-de-Kamouraska, il a enseigné la musique au cégep de La Pocatière pendant 18 ans. Il a remplacé au pied levé l’ex-ministre et députée Marie-Ève Proulx, qui a retiré sa candidature dans la controverse alors qu’elle était visée par des allégations de harcèlement psychologique.
Kateri Champagne Jourdain
Duplessis
41 ans
Originaire de la communauté innue d’Uashat Mak Mani-utenam de la Côte-Nord, elle est la première femme autochtone élue à l’Assemblée nationale. La femme d’affaires de 41 ans est devenue en 2019 la première autochtone à siéger au conseil d’administration du Mouvement Desjardins. C’est la première fois que cette circonscription n’est pas représentée par le Parti québécois depuis 1976.
Alice Abou-Khalil
Fabre
51 ans
Experte en technologies de l’information et en cybersécurité, Mme Abou-Khalil a permis à la Coalition avenir Québec de remporter cette circonscription détenue par le Parti libéral depuis 2003.
Stéphane Sainte-Croix
Gaspé
53 ans
M. St-Croix était directeur général de Destination Gaspé, organisme qui fait la promotion de l’offre de produits et services touristiques de la ville de Gaspé. Il a brisé les espoirs du Parti québécois, qui espérait faire réélire Méganne Perry Mélançon.
Suzanne Tremblay
Hull
45 ans
Mme Tremblay, qui a été présidente du Syndicat de l’enseignement de l’Outaouais, a balayé ce bastion libéral – les libéraux y ont régné en maîtres à partir de 1956, avec un interlude péquiste entre 1976 et 1981 – qu’elle a remporté avec plus de 2700 voix d’avance.
Carole Mallette
Huntingdon
40 ans
Femme d’affaires, gestionnaire et présidente d’Usinages Mallette inc. pendant une décennie, Mme Mallette succède à la caquiste Claire IsaBelle.
Audrey Bogemans
Iberville
33 ans
Agricultrice, Mme Bogemans administre la ferme familiale et a occupé les fonctions de présidente de la Chambre de commerce et de l’industrie du Haut-Richelieu. Elle a repris la circonscription détenue par le Parti conservateur du Québec depuis que Claire Samson, élue sous la bannière de la CAQ, s’était rangée derrière Éric Duhaime.
François St-Louis
Joliette
55 ans
Attaché politique de la CAQ depuis 2018, M. St-Louis a permis à son parti de remporter ce bastion du Parti québécois représenté auparavant par Véronique Hivon, qui avait annoncé son départ de la vie politique au printemps.
Yannick Gagnon
Jonquière
43 ans
Issu du milieu communautaire et directeur général d’un patro, M. Gagnon a humilié le Parti québécois dans un château fort qui était représenté jusqu’à tout récemment par Sylvain Gaudreault, qui ne s’est pas représenté. Yannick Gagnon l’a emporté avec une majorité de plus de 12 000 voix.
Isabelle Poulet
Laporte
54 ans
Impliquée en politique municipale depuis près de 17 ans, elle a également travaillé une douzaine d’années au sein d’OBNL. Elle a fait tomber un château fort détenu par le Parti libéral depuis 1981.
Céline Haytayan
Laval-des-Rapides
42 ans
Stratège et gestionnaire, Céline Haytayan a été secrétaire corporative adjointe et membre du conseil d’administration de Montréal International. Elle a occupé le poste de responsable des affaires corporatives internationales chez Ubisoft. Elle a battu le libéral Saul Polo avec une avance de plus de 1000 voix.
Bernard Drainville
Lévis
59 ans
Ancien journaliste, ministre péquiste, candidat à la direction du Parti québécois puis animateur de radio, M. Drainville a facilement été élu dans la circonscription de Lévis. Il succède à l’ancien député caquiste et président de l’Assemblée nationale, François Paradis, qui ne s’est pas représenté.
Sonia Bélanger
Prévost
61 ans
Gestionnaire en santé, Sonia Bélanger occupait, depuis 2015, la fonction de présidente-directrice générale du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal et a une formation d’infirmière. Elle prend le relais de la députée caquiste et ex-ministre des Aînés, Marguerite Blais.
Yves Montigny
René-Lévesque
51 ans
Maire de Baie-Comeau et enseignant de formation, M. Montigny a remporté haut la main, avec plus de 7000 voix de majorité, ce bastion péquiste.
Pascale Déry
Repentigny
46 ans
Ex-journaliste et ancienne candidate du Parti conservateur du Canada, Mme Déry remplace l’ancienne députée caquiste Lise Lavallée, qui a quitté la vie politique. Depuis 2020 jusqu’à tout récemment, Pascale Déry était directrice des relations médiatiques pour Air Canada.
Maïté Blanchette Vézina
Rimouski
37 ans
L’ex-mairesse de Sainte-Luce est avocate en droit des affaires et a occupé le poste de directrice régionale de Centraide Bas-Saint-Laurent. Elle a renversé ce bastion détenu par le Parti québécois depuis 1994. L’ancien député Harold LeBel, accusé d’agression sexuelle, siégeait comme indépendant.
Amélie Dionne
Rivière-du-Loup–Témiscouata
47 ans
L’attachée de presse de la ministre du Tourisme, Caroline Proulx, a été élue dans cette circonscription et succède à l’ancien député caquiste Denis Tardif, qui ne s’est pas représenté et qui était en arrêt maladie depuis des mois.
Daniel Bernard
Rouyn-Noranda–Témiscamingue
63 ans
Tombeur de la solidaire Émilise Lessard-Therrien avec une confortable avance de plus de 4000 voix, M. Bernard est un ancien député libéral et lobbyiste pour l’industrie minière qui occupait les fonctions de conseiller municipal.
Christine Fréchette
Sanguinet
52 ans
Spécialiste en développement économique, Mme Fréchette a été pendant quatre ans PDG de la Chambre de commerce de l’est de Montréal. Sous le gouvernement Marois, elle a été attachée de presse du ministre des Relations internationales, Jean-François Lisée. Elle succède à l’ex-ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann.
Suzanne Roy
Verchères
60 ans
Ex-mairesse de Sainte-Julie, présidente de l’Union des municipalités du Québec et préfète de la MRC de Marguerite-d’Youville, elle remplace l’ancienne députée caquiste Suzanne Dansereau.
Valérie Schmaltz
Vimont
49 ans
Présidente du Comité d’action local de Vimont pour la CAQ, l’ex-journaliste occupait les fonctions de responsable des communications pour la municipalité de Saint-Placide, dans la MRC de Deux-Montagnes. Elle a remporté cette circonscription qui était libérale depuis 2003.