Fondatrice de l'organisme Mon Shack, mes choix, mon avenir !, qui vient en aide aux jeunes de la région de Sherbrooke souffrant de maladie mentale, Josée Parent est notre personnalité de la semaine.

Josée Parent fait partie de ces gens dont la vie se passe en mode solution. Un proche souffre de problèmes de santé mentale ? Elle constate le manque de ressources ? Elle décide de fonder un organisme qui répondra aux besoins non comblés en Estrie.

On est en 2013.

Josée Parent a alors franchi le cap de la quarantaine, mais qu'importe. Elle veut aller chercher de la formation universitaire pour mener son projet adéquatement. Elle retourne sur les bancs d'école, à l'Université de Sherbrooke, pour obtenir un baccalauréat en travail social, psychologie et toxicomanie.

Armée de ses nouvelles connaissances et de son diplôme, elle fonde Mon Shack, mes choix, mon avenir !, une organisation qui fournit de l'aide, du soutien pratique, même des logements - l'organisme compte 18 appartements de trois pièces et demie dans le secteur de Lennoxville, à Sherbrooke, qui seront disponibles en juillet - aux jeunes de 18 à 35 ans souffrant de maladie mentale.

Le 8 mai, à Ottawa, l'Alliance canadienne pour la maladie mentale et la santé mentale a décerné à notre personnalité de la semaine un de ses sept Prix des champions de la santé mentale. Et le 8 juin, elle ira encore à Ottawa pour recevoir la Médaille du souverain pour les bénévoles, remise par la gouverneure générale, Julie Payette.

Née à Magog, Josée Parent a toujours été « dans le communautaire », explique-t-elle en entrevue téléphonique. Avant de lancer Mon Shack, elle travaillait à JEVI, un organisme de prévention du suicide. « Je suis le genre de personne qui regarde les dégâts de Katrina aux nouvelles et qui dit : "J'y vais, je pars aider." » Et qui, effectivement, vole vers la Louisiane faire de la distribution de repas aux gens déplacés par l'immense destruction de l'ouragan.

Le concept de Mon Shack : contrairement à bien des centres de traitement ou de réadaptation, c'est un lieu ouvert où la communauté se mêle à la population suivie par l'organisme. N'importe qui, dans le voisinage, peut y aller pour faire de la méditation, du yoga, parce que les services offerts sont nombreux et vont bien au-delà du suivi traditionnel pour personnes atteintes de troubles mentaux. « On prône la mixité sociale », explique Mme Parent.

Le but : apprendre à tout le monde que la maladie mentale fait partie de la vie. Et faire en sorte que tout le monde s'entraide, partage des expériences de vie ensemble, au quotidien.

Pourquoi avoir lancé cela en Estrie ?

Parce que Mme Parent habite Sherbrooke depuis 10 ans. Mais aussi parce que la région a une plus grande prévalence de problèmes de santé mentale que le reste du Québec. La schizophrénie, par exemple, y est à la hausse depuis 2005, et plus qu'ailleurs. Si l'augmentation est de 1 % dans la province, elle est de 1,3 % en Estrie.

De plus, 4,8 personnes sur 1000 en moyenne ont des problèmes de santé mentale en Estrie, contre 3,6 en moyenne dans tout le Québec.

Et les services manquent, dit-elle, notamment en anglais.

Les troubles de santé mentale, continue la spécialiste, touchent tout le monde. Ceux qui en souffrent et tous leurs proches.

Josée Parent fait partie de ces personnes indirectement touchées. Un oncle dont elle était très proche était atteint de schizophrénie. Il a pu vivre sa vie, dit-elle, mais a aussi beaucoup souffert. C'est ce qui lui a montré à quel point il était important de pouvoir dire : « C'est OK de ne pas être OK. »

Aujourd'hui, la femme de 48 ans croit fermement que la maladie mentale peut s'effacer de la vie de ceux qui en souffrent, si on s'en occupe bien. Si on se soigne.

C'est ce que veut faire son organisme. Donner aux jeunes atteints la chance d'apprendre à bien veiller sur leur propre santé. Le but est de les garder pendant une période prédéterminée et de les rendre autonomes, notamment pour la prise de leur médication. On vise le rétablissement.

Mon Shack ne nage pas dans les sous. La construction des logements a été permise par la Société d'habitation du Québec, qui a financé le tout, et ils font maintenant partie du programme de logement social de la province. Mais Mme Parent, par exemple, ne se verse pas de salaire. « Dans l'ancien temps, on aurait dit que j'ai marié un bon parti », dit-elle en riant. C'est son mari, qui a un poste de gestion, qui veille sur les finances familiales pendant qu'elle mène ce projet sous forme de bénévolat. Mais elle espère que ce ne sera pas toujours comme ça, même si elle défendra toujours la gratuité des services, et elle invite tous ceux qui croient à la mission à aider au financement de son projet. « Chaque don est important », dit-elle.

Et même si tout ce travail est exigeant et épuisant, et mené avec très peu de moyens, elle ne changerait pas de place. « Je donne beaucoup, dit Josée Parent. Mais il ne faut pas l'oublier : je reçois aussi énormément. »

Josée Parent en quelques choix

Deux films préférés :  Les pages de notre amour, de Nick Cassavetes, et Forrest Gump, de Robert Zemeckis

Un livre préféré :  The Shack (La cabane), de William Paul Young

Une personnalité historique :  René Lévesque, « un personnage charismatique, mais qui a traversé des périodes creuses et projetait malgré la souffrance »

Une personnalité contemporaine :  Jack Layton

Une phrase :  « Portons espoir. Le rétablissement est possible. Il faut juste du soutien. »

Une cause qui la ferait manifester :  « La santé mentale et l'équité sociale. Et sur ma pancarte, j'écrirais : "Soutenez les organismes communautaires qui font le travail et maintiennent l'équilibre." »