Luc Tanguay est arrivé à la tête de Theratechnologies en 2012, alors que l'entreprise était en difficulté. Aujourd'hui, celle-ci vaut presque 38 fois plus qu'à l'époque. Voilà pourquoi il est notre personnalité de la semaine.

Le 14 mars 2014, l'action de la société pharmaceutique montréalaise Theratechnologies valait 47 cents à la Bourse de Toronto. Quatre ans plus tard, soit mercredi dernier, le 14 mars 2018, elle a terminé la journée à 9,94 $.

Une progression quand même remarquable.

Luc Tanguay, président et chef de la direction de Theratech, n'en est pas peu fier. « Quand j'ai pris la direction en 2012, on était en sérieuse difficulté, note-t-il. L'entreprise valait 20 millions en Bourse. Aujourd'hui, elle est à 750 millions. C'est tout un travail d'équipe, c'est tout ce qu'on a accompli ensemble qui a donné ce résultat. »

Et la semaine dernière, la société dirigée par notre personnalité de la semaine a appris une bonne nouvelle : elle a obtenu l'approbation de la Food and Drug Administration (FDA), aux États-Unis, pour un de ses médicaments, Trogarzo, un nouveau traitement contre le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Selon Luc Tanguay, le potentiel commercial de ce nouveau remède est de cinq à dix fois celui d'Egrifta, le produit principal actuellement vendu par la société, aussi destiné aux personnes atteintes du VIH.

Trogarzo est le premier traitement de ce type approuvé par la FDA depuis 10 ans, dit M. Tanguay.

Theratechnologies, dont les bureaux sont au centre-ville de Montréal - il n'y a pas de laboratoire, la recherche, les tests, tout est effectué ailleurs, sous-traité auprès d'entreprises spécialisées - a été fondée en 1993. D'abord spécialisée en recherche et développement, elle est maintenant surtout vouée à la commercialisation de médicaments pour les personnes atteintes du VIH.

SE FOCALISER SUR LA VENTE

Luc Tanguay, un Beauceron de Saint-Martin, près de Saint-Georges, qui a fait ses études en finance, un baccalauréat et une maîtrise, à l'Université de Sherbrooke, a commencé à y travailler comme chef des finances en 1996. Quand il a pris les rênes, en 2012, il a fait faire un changement de cap important à la société. Au lieu de se focaliser sur le développement de produits, elle allait plutôt mettre l'accent sur la vente. Est venue par la suite une alliance avec une entreprise taïwanaise, TaiMed, qui allait remettre l'entreprise solidement sur les rails. C'est elle qui a développé Trogarzo, un traitement destiné aux personnes résistantes aux autres traitements contre le VIH actuellement sur le marché.

On parle d'environ 1 % des patients.

Egrifta, le premier produit de Theratech, est aussi destiné aux personnes atteintes du VIH. Il s'agit d'un médicament pour traiter un effet du virus, qui provoque une détérioration de la masse musculaire et une augmentation de la masse graisseuse viscérale, accumulation hautement nocive pour la santé.

Le médicament est homologué aux États-Unis et remboursé par les compagnies d'assurance là-bas. Mais il n'est pas remboursé au Québec ni ailleurs au Canada, une réalité qui choque M. Tanguay.

« Ça a été développé par des chercheurs à l'Université de Montréal et c'est commercialisé par une entreprise de Montréal. Le Québec ne reconnaît pas la validité du produit. C'est une grande déception pour nous. »

- Luc Tanguay

Une déception telle que Theratech ne va peut-être pas investir pour faire approuver son nouveau médicament au Québec.

Le processus est long et coûteux. La série de demandes, d'appels, de revers que Theratech a traversée pour Egrifta ne donne pas envie à l'entreprise de se relancer dans toutes ces procédures pour Trogarzo.

« Il y a d'autres façons de le rendre accessible », dit M. Tanguay. Chaque patient peut faire la demande et la décision est alors prise au cas par cas. « C'est moins compliqué. »

Aux États-Unis, dit-il, dès qu'un produit est homologué par la FDA, les compagnies d'assurance l'acceptent quasi automatiquement. « C'est beaucoup plus simple. »

M. Tanguay n'a jamais fait d'études en sciences en général ou en pharmacologie en particulier. C'est vraiment par le chemin des finances qu'il est tombé dans cet univers. Avant d'être embauché par Theratech en 1996, il travaillait chez Lévesque Beaubien, une entreprise d'investissement achetée depuis par la Banque Nationale. Là, il travaillait déjà dans l'univers de la biotechnologie.

L'univers des affaires, il l'a toujours connu. Son père était entrepreneur, dans le plastique. Son frère a aussi lancé sa propre entreprise, dans la peinture.

Mais Luc Tanguay parle peu de sa famille. En entrevue, il préfère parler de son entreprise. De ses projets. Il est à la recherche de nouveaux médicaments pour son équipe de vente aux États-Unis. Quelque 65 personnes, contre 30 à Montréal. « Ça serait idéal que d'ici 12 à 18 mois, on ait trois ou quatre produits à vendre, dit-il. J'aimerais bien que mes équipes aient ça pour travailler. »