Clovis Isabelle a consacré toute sa vie au travail de la terre. Appuyé de sa conjointe, Jeannine Robidoux, il a fondé ce qui est devenu l'une des plus importantes entreprises agricoles de la province: C. Isabelle&fils. C'est chez lui, à Saint-Michel-de-Napierville, qu'il s'est éteint doucement le 15 février à l'âge de 90 ans .

Né d'une famille d'agriculteurs de père en fils, M. Isabelle savait que ce travail pouvait être ingrat. Longtemps les siens ont possédé des terres en Montérégie qui, année après année, étaient soumises aux inondations et aux conditions de vie difficiles.

Loin de renier ce métier qui le passionnait, il a décidé, immédiatement après son mariage, d'acquérir des terres noires de meilleure qualité pour subvenir aux besoins de sa famille.

Une famille qui ne tardera pas à devenir nombreuse. En 10 ans, huit enfants naîtront et deux autres s'ajouteront quelques années plus tard. «Mon père achetait toujours plus de terres parce qu'il savait qu'un autre enfant s'en venait», raconte Claire, fille de Clovis Isabelle. «Sa chanson préférée était Le Seigneur est mon berger et rien ne saurait nous manquer. Il remplaçait le "me" par le "nous". Pour lui, il était important que nous ne manquions de rien.»

Pour M. Isabelle et sa femme, il n'y avait pas de réussite sans travail. Une vision qu'ils ont transmise à leurs enfants qui très tôt ont été initiés aux travaux agricoles. Comme ces derniers devaient manquer l'école quelques semaines par année, ils les encourageaient en leur donnant un petit salaire. Une première dans cette région du Québec. «Les voisins les traitaient de fous et ne comprenaient pas pourquoi ils payaient leurs propres enfants. Pour mon père, c'était une manière de nous remercier, une sorte de récompense», note Claire Isabelle.

En affaires aussi, M. Isabelle sortait du lot. Vif d'esprit et communicateur, il avait le goût du risque et formait toute une équipe avec sa femme qui, elle, avait de belles ambitions pour l'entreprise. Il fut l'un des premiers à laver ses pommes de terre et ses carottes. Ne possédant aucune machinerie capable de faire ce travail, il a eu recours au service d'un ferblantier et de ses enfants pour créer une baratte à laver. «Mon père était visionnaire. Il croyait que des légumes propres étaient plus vendeur et il a eu raison», indique son fils, Mario Isabelle. Autre innovation, pour assurer la rentabilité, M. Isabelle a tenu très tôt à contrôler toute la chaîne de production, des semences à la mise en marché.

La retraite, M. Isabelle l'a officialisée à 80 ans lorsque sa relève a été assurée par six de ses enfants. Bien qu'il n'était plus aux commandes, il s'est quand même investi jusqu'à la toute fin. «Il pouvait appeler deux et même trois fois par jour à l'entreprise pour savoir où en étaient les travaux. Un de mes neveux m'a même confié que son grand-père lui a téléphoné à 18h30 tous les soirs l'été dernier pour s'informer», confie Claire Isabelle.

De 40 acres à ses débuts, la ferme C. Isabelle&fils couvre aujourd'hui une superficie de 1000 acres de terre. «Mon père était un homme d'affaires, mais il n'a jamais volé personne. Il était honnête et intègre et s'il a réussi, c'est grâce au travail», raconte sa fille. Loin de courir les concours et toujours humble, M. Isabelle est plutôt resté fidèle aux valeurs catholiques. Chaque printemps, il glissait une médaille religieuse dans toutes les parcelles de ses terres, rituel qu'il a pratiqué jusqu'au printemps dernier.

Pour accueillir les nombreuses personnes qui voulaient lui rendre hommage, la famille a reçu les visiteurs à la salle communautaire de Saint-Michel, le 21 février dernier.