Un des précurseurs de l'animation 3D s'est éteint le 13 mai. Le concepteur de logiciels Richard Laperrière est mort à l'âge de 49 ans. En 1993, le succès de cinéma Le Parc jurassique, réalisé par Steven Spielberg, avait mis en avant le travail de Richard Laperrière et de ses collègues de Softimage, l'entreprise montréalaise fondée par Daniel Langlois.

En 1998, l'Académie des Oscars avait décerné une récompense (Scientific and Engineering Award) à Richard Laperrière, Dominique Boisvert, Réjean Gagné et Daniel Langlois pour le développement du module Actor de Softimage. Ce logiciel d'animation était le premier à intégrer les différents outils d'articulation des objets en 3D.

«Avant, cela se faisait à la main, explique Dominique Boisvert. Depuis, Softimage est devenue une référence dans l'industrie du film et de la télévision.»

Titanic et Le Masque ont notamment profité de cette percée technologique. «Le public ne se pose plus de questions, mais depuis Le Parc jurassique, tous les films utilisent de tels effets spéciaux», observe Marc Petit, ancien gestionnaire chez Softimage et Autodesk.

Une sensibilité artistique

Les concepteurs du logiciel avaient chacun leur domaine de prédilection. Dominique Boisvert animait le squelette des créatures numériques. Richard Laperrière était le spécialiste des enveloppes: il déformait la peau en fonction des mouvements des os. «Il regardait comment son doigt se pliait pour vérifier si les simulations de l'écran correspondaient à la réalité», se souvient Marc Petit. Et Réjean Gagné ajoutait la dynamique des éléments extérieurs, comme le vent ou une collision.

Richard Laperrière cultivait sa sensibilité en se passionnant pour les arts. «Nous étions de grands fans du Festival de jazz de Montréal, souligne Lorraine Doré, sa conjointe. L'an passé, nous sommes allés à six concerts malgré la maladie de Richard.»

Lui-même avait connu la scène. Étudiant en informatique à l'Université de Montréal, il avait formé un quatuor d'humoristes avec Luc Déry, Yves Lapierre et Patrick Agin. «On faisait dans l'absurde, se rappelle Patrick Agin. On a fait des passages aux Lundis Juste pour rire sur la scène du Club Soda, à la fin des années 80.» Le groupe de comiques s'est même hissé en finale du concours Juste pour rire en 1989.

En 2000, Richard Laperrière avait poursuivi son parcours en 3D chez MindAvenue. La firme ayant succombé à l'éclatement de la bulle technologique, il était retourné quatre ans plus tard chez Softimage, qui sera rachetée en 2008 par Autodesk.

Il avait cette double capacité de comprendre des mathématiques complexes et de simplifier le travail des artistes, salue Marc Petit. Il faisait fonctionner les deux côtés de son cerveau de façon remarquable.»

Peu avant d'être diagnostiqué d'un cancer du pancréas, Richard Laperrière avait acquis deux toiles de l'artiste Élyse Turbide, des Îles de la Madeleine. Ces toiles sont devenues les symboles de cette lutte de 20 mois contre la maladie. «Le taureau incarnait son combat, et l'arbre illustrait sa sérénité», témoigne Lorraine Doré.

Les visites étaient trop nombreuses dans sa chambre d'hôpital. Ses proches avaient donc créé un blogue, www.lesamisderichard.com, afin d'organiser les visites, de donner des nouvelles et de permettre à chacun d'exprimer son soutien. «La communauté richardienne», comme elle s'appelait elle-même, y dépose encore ses hommages, sous forme de textes et de musiques.

Mort à l'hôpital de Verdun, là même où il est né, Richard Laperrière laisse derrière lui sa conjointe Lorraine Doré et leurs trois garçons, Hugo, Timothée et Thomas.