La célèbre activiste américaine Erin Brockovich a plongé dans le débat des eaux usées, hier, en qualifiant de «honteuse» et «ridicule» la décision de l'administration Coderre de purger le tiers du réseau dans le fleuve Saint-Laurent à la mi-octobre. Sur sa page Facebook, qui est suivie par plus de 470 000 personnes, elle fournit même le numéro de téléphone du bureau du maire à l'hôtel de ville, où le téléphone n'a pas dérougi hier.

«C'est de la pure TNT: des étrons et des tampons [This is pure TNT: Turds N Tampons]», a déclaré la femme qui a été incarnée au cinéma par l'actrice Julia Roberts. «Sommes-nous en 2015? S'agit-il d'une ville majeure sur l'échiquier mondial?»

«J'ai adoré le film, Julia Roberts est extraordinaire», a répliqué le maire lorsqu'il a été appelé à réagir à la sortie publique de Mme Brockovich.

Ottawa a bel et bien le dossier depuis 2014

Le bras de fer public entre la ministre conservatrice de l'Environnement, Leona Agglukkaq, et le maire de Montréal, Denis Coderre, s'est par ailleurs poursuivi hier.

La ministre a déclaré à deux reprises que son bureau n'avait été informé du déversement de 8 milliards de litres d'eaux usées que la semaine dernière, alors que le maire Coderre martelait qu'Environnement Canada avait tous les documents entre ses mains depuis septembre 2014.

«Même s'il est clair que des représentants connaissaient dès septembre 2014 les projets de la Ville de Montréal, la ministre en a été mise au courant seulement la semaine dernière», a finalement déclaré son directeur des communications, Ted Laking, après deux jours de confusion.

«Mme la ministre dit que son bureau l'a su la semaine dernière, c'est son problème si elle est dans la catégorie "il n'y a pas de service au numéro que vous avez composé". La ministre n'a jamais parlé en sept ans, que ce soit quand elle était à la Santé ou à l'Environnement», a souligné le maire au cours d'une mêlée de presse.

L'administration Coderre affirme qu'elle n'a d'autre choix que de déverser 8 milliards de litres d'eaux usées, soit plus de quatre fois le volume du Stade olympique, dans le fleuve Saint-Laurent, du 18 au 25 octobre. Le ministère de l'Environnement du Québec a donné son autorisation pour un tel rejet, mais le dossier n'a pas encore officiellement reçu l'aval d'Environnement Canada.

Mardi, la ministre Agglukkaq a ordonné la suspension du déversement afin de procéder à une évaluation «en bonne et due forme» des conséquences environnementales d'un tel rejet. Selon la Ville de Montréal, le gouvernement fédéral a autorisé des déversements d'une ampleur comparable en 2003 et en 2007. Le maire Coderre accuse donc les conservateurs de retarder la décision après le scrutin du 19 octobre pour des motifs bassement électoralistes.

Heurtel sur la sellette

L'affaire a aussi continué de faire des vagues à Québec. Le ministre de l'Environnement, David Heurtel, a reconnu hier avoir commis un «lapsus» lorsqu'il a affirmé à l'Assemblée nationale que la suspension du déversement d'eaux usées dans le fleuve menace l'approvisionnement en eau potable de Montréal.

«Si on ne va pas de l'avant avec cette solution-là dans les temps prescrits par les experts, c'est l'alimentation en eau potable de Montréal qui sera en péril», a affirmé le ministre au cours d'un échange avec le député du Parti québécois Mathieu Traversy.

Il a répété la même affirmation dans un échange avec le député de la Coalition avenir Québec François Bonnardel.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, a martelé ces derniers jours que la Ville n'a d'autre choix que de fermer un intercepteur qui dessert six arrondissements afin de l'entretenir. Faute de quoi l'usine de traitement des eaux usées pourrait être menacée, a prévenu le maire.

Mais l'approvisionnement en eau potable n'est pas en cause. Ce qu'a reconnu M. Heurtel à sa sortie de la Chambre, hier. «C'était un lapsus, c'est "eaux usées" que je voulais dire», a-t-il expliqué.

Selon le chef caquiste, François Legault, le cafouillage du ministre Heurtel en Chambre ne fait que confirmer que Philippe Couillard doit le démettre de ses fonctions.

«Ça montre encore une fois que M. Heurtel a complètement échappé le dossier, a dénoncé M. Legault. Il est rendu à dire que si les travaux ne sont pas faits immédiatement, ça mettrait en péril l'eau potable de Montréal. C'est faux, archifaux.»

Le chef du Parti québécois, Pierre Karl Péladeau, s'est lui aussi étonné des commentaires du ministre libéral.

«Je dois vous avouer qu'en période de questions, c'était assez confus, a-t-il observé. Lorsqu'il répondait aux questions, il y avait des fiches, il répétait toujours les mêmes éléments.»