À défaut de tenir un concours international pour le design de l'ouvrage qui remplacera le pont Champlain, le gouvernement fédéral a annoncé, dimanche, le recrutement d'un architecte de renom, Poul Ove Jensen, comme conseiller pour la conception du nouveau pont, attendu pour 2018.

L'architecte danois est le directeur du département des ponts de la prestigieuse firme d'architecture Dissing+Weitling, de Copenhague, au Danemark. Cette firme a été liée à plusieurs projets de grands ponts dans le monde, dont certains sont d'une beauté exceptionnelle, comme le pont Est du Great Belt, qui relie les îles danoises de Seeland et Fionie, ou le pont suspendu du fleuve Rhummel, à Constantine, en Algérie.

La firme Dissing+Weitling a aussi été l'architecte consultant du consortium qui a conçu et construit le pont de l'Öresund, qui relie le Danemark et la Suède et qui a plusieurs points en commun avec le nouveau pont qui remplacera le pont Champlain en 2018, en vertu du nouvel échéancier annoncé dimanche.

La traversée du détroit de l'Öresund, qui sépare la capitale danoise Copenhague et la ville suédoise de Malmö, se compose en fait d'une série d'ouvrages d'art d'envergure. Un tunnel de 4 km du côté de Copenhague aboutit à une île artificielle construite dans le détroit, sur laquelle sont aménagées les approches du pont lui-même, divisé en trois sections, qui totalise environ 7,8 km.

Comme le pont Champlain, ce pont a été construit partiellement en eaux profondes et compte une section surélevée pour assurer une navigation commerciale sous celui-ci. Un train léger de type SLR (système léger sur rail) y a été intégré dès le début de sa conception. C'est ce type de train que le gouvernement du Québec veut aménager comme mode de transports collectifs sur le nouveau pont fédéral.

Enfin, le pont de l'Öresund compte deux niveaux, qui permettent de séparer les trains de la circulation automobile - comme l'a recommandé aussi le gouvernement du Québec. Et le pont est à péage, comme devrait l'être aussi le nouveau pont Champlain, selon la volonté ferme du gouvernement fédéral.

L'ensemble des ouvrages de l'Öresund ont été construits en 5 ans, de 1995 à 2000, au coût de 33 milliards de couronnes danoises (équivalant aujourd'hui à près de 6 milliards de dollars canadiens). La construction avait toutefois été précédée de longues réflexions, qui ont débouché, en 1990, sur un accord de réalisation entre les gouvernements de la Suède et du Danemark.

L'architecte Poul Ove Jensen travaillera en collaboration avec la firme montréalaise Provencher Roy. Cette dernière compte à son actif quelques projets majeurs dans le domaine des transports, comme le réaménagement de l'aérogare Trudeau à Dorval ou la construction du garage Legendre de la Société de transport de Montréal, mais rien de la magnitude du nouveau pont Champlain.

Le pont actuel sera un «défi immense»

«Je ne souhaite plus vous revoir. Mais j'ai l'impression qu'on va peut-être se revoir.»

La blague est de Denis Lebel, qui s'adressait aux ouvriers qui ont installé une attelle - la fameuse «super-poutre» - sur une pièce de béton fissurée du pont Champlain.

Hier, le ministre fédéral a assuré que son gouvernement serait au chevet de la structure actuelle jusqu'à l'inauguration du nouveau pont, en 2018. Et il a reconnu que ce n'était sûrement pas la dernière fois que les réparateurs seraient appelés à la rescousse.

«Nous sommes pleinement conscients qu'il y a d'abord un pont à conserver, a-t-il dit. C'est un défi qui va être immense pour les prochaines années.»

Glen P. Carlin, grand patron de la Société des ponts fédéraux, a indiqué que les travaux de la fin de semaine devraient coûter environ 2 millions, comme prévu. Il a tenu à remercier les ouvriers pour leur travail dans des conditions hivernales, et les Montréalais pour leur patience.

Denis Lebel opiné dans le même sens. «On le sait que pour vous, ce sont des heures d'attente. C'est moins de temps avec votre famille, a-t-il dit. La situation en fin de semaine a été difficile.»

- Philippe Teisceira-Lessard

Québec et Montréal satisfaits

Le maire Denis Coderre et le ministre des Transports Sylvain Gaudreault ont accueilli de façon positive l'échéancier accéléré annoncé hier par le gouvernement fédéral dans le dossier du pont Champlain.

M. Coderre n'a toutefois pas voulu écarter la possibilité de peser encore davantage sur l'accélérateur, lors d'un point de presse tenu en fin d'après-midi hier.

«Il y a des ponts qui se font en deux ans, il y a des ponts qui se font en quatre ans», a-t-il dit. «Faut vérifier. Tout doit être écrit, il doit y avoir eu des études et des rapports. C'était les fonctionnaires qui disaient de faire ça en huit ans, et le politique s'en est mêlé et on est rendus à quatre ans? Il faut continuer à poser des questions en ce sens-là.»

Il a toutefois nuancé son empressement: «C'est bien beau d'étirer l'élastique, mais il ne faut pas qu'il te pète dans la face», a-t-il illustré. Le maire de Montréal a aussi souligné à de nombreuses reprises que l'annonce du ministre Lebel était «une bonne nouvelle» et qu'il ne voulait pas «jouer à l'opposition».

À l'autre bout de la 20, du côté de Québec, le ministre Sylvain Gaudreault s'est aussi réjoui de la nouvelle.

«Je suis satisfait que le ministre Lebel réponde positivement à l'appel des élus de l'Assemblée nationale, de la métropole, de la Rive-Sud et de la population», a-t-il déclaré dans un communiqué de presse.

Il a toutefois demandé au gouvernement fédéral de démontrer dès maintenant qu'il veut réellement accélérer la cadence. «J'invite le gouvernement fédéral à dévoiler, dans les meilleurs délais, son plan d'affaires», a-t-il ajouté.

Le nouvel échéancier rassure l'Association du camionnage du Québec, qui regroupe la plupart des plus importants transporteurs de marchandises de la province. Le président de l'ACQ, Marc Cadieux, s'est ainsi réjoui de l'annonce du ministre Lebel, en insistant sur le fait que de nombreuses entreprises de camionnage se sont récemment montrées inquiètes face à l'état du pont actuel.

Selon lui, la décision fédérale «démontre une sensibilité face enjeux économiques et stratégiques du corridor du pont Champlain, où transitent des marchandises qui totalisent 20 milliards par année».

-Philippe Teisceira-Lessard