C'est Québec qui paie, et Montréal se satisfait d'un projet de réfection de l'échangeur Turcot «qui n'est pas parfait, mais qui répond à nos priorités», a dit le maire Gérald Tremblay tout juste après que le ministère des Transports lui eut présenté la dernière mouture des plans.

À un journaliste qui lui a demandé en français, en conférence de presse, son degré de satisfaction face au projet, le maire s'est esquivé. En anglais, il a laissé tomber que c'était «acceptable» et que Montréal et le gouvernement avaient encore un an pour perfectionner le tout.

«C'est le projet du gouvernement du Québec, qui est financé à 100% par le gouvernement du Québec, a dit Gérald Tremblay.

«Le conseil des ministres a déjà approuvé deux décrets et nous avons pensé que c'était mieux d'accompagner le gouvernement du Québec pour continuer de bonifier (le projet).»

Comme le ministère des Transports ne dévoilera que mardi de quoi il en retourne, à peu près rien n'a filtré de la rencontre avec les élus de Montréal. Le maire Tremblay a simplement dit que plusieurs améliorations avaient déjà été apportées depuis la dernière présentation.

Le shérif et les cowboys

Louise Harel, la chef de l'opposition officielle, a dit au contraire que sa déception était grande et que la structure imaginée, haute de trois étages, «n'obtient pas la note de passage».

Benoit Dorais, maire du Sud-Ouest, s'est montré particulièrement désolé de l'impact que tout cela aura pour son arrondissement, et particulièrement pour les 106 familles qui risquent toujours l'expropriation.

Richard Bergeron, chef de la deuxième opposition et membre déchu du comité exécutif depuis jeudi en raison de son refus de se rallier au projet, a été plus cinglant. «Gérald Tremblay a rejoint sa famille politique à Québec plutôt que d'être fidèle aux Montréalais», a-t-il lancé en point de presse hier matin.

«Le shérif se met du bord des cowboys», a-t-il enchaîné, se désolant de ce que le maire de Montréal appuie la vision «frileuse et passéiste» du ministère des Transports.

Y aura-t-il un peu de place pour les transports en commun? Louise Harel a dit qu'il y avait peut-être une petite porte ouverte à un tram-train, mais elle ne fonde pas grand espoir là-dessus.

Une voie réservée, par ailleurs, est toujours dans l'air, avec possibilité de l'emprunter pour ceux qui font du covoiturage.

Une courte cohabitation

Bien qu'il ait été membre du comité exécutif et responsable du plan d'urbanisme jusqu'à jeudi, Richard Bergeron n'avait plus été informé de l'avancement des plans de réfection de l'échangeur Turcot depuis trois mois déjà.

Il ne dresse pas pour autant un bilan tout noir de son année au comité exécutif, où il a pu siéger, tout comme Lyn Thériault, du parti de Louise Harel, grâce à une volonté des partis de mieux collaborer.

«J'ai plus appris au cours de la dernière année que pendant mes quatre années précédentes comme simple conseiller», a-t-il dit, précisant que cette idée de cohabitation qu'il avait présentée de bonne foi avait également été acceptée de bonne foi par Gérald Tremblay.

N'empêche, Richard Bergeron n'a pas caché que, depuis le début, il était prêt «à démissionner chaque jour» en traçant sur chaque dossier une ligne qu'il n'était pas prêt à franchir.

Pour l'échangeur Turcot, il n'y avait plus de concession possible pour lui, alors que Lyn Thériault, elle, n'avait jamais menacé de démissionner à ce sujet.

Ne regrettera-t-il pas cette voix importante qu'il avait en siégeant au comité exécutif? À cela, M. Bergeron a répondu qu'après «24 heures pas faciles», il s'en est remis et que, de toute façon, on exagère souvent le pouvoir attribué aux membres du comité exécutif, «qui ne sont rien de plus que des conseillers privilégiés du maire».

Il s'est finalement montré ravi de retrouver «sans ambiguïté» son droit de parole et sa capacité à s'opposer haut et fort au projet de Turcot, sans quelque devoir de solidarité que ce soit.

«Je l'avais dit à Gérald Tremblay: on va s'entredéchirer sur la place publique.»