Les deux entreprises privées impliquées dans les accidents qui ont coûté la vie à trois piétons hier sont rémunérées au volume de neige qu'elles transportent. Une méthode de paiement inadéquate qui incite à la vitesse, selon le syndicat des cols bleus et le chef de Projet Montréal.

Le conducteur qui a heurté mortellement les deux premiers piétons hier matin travaille pour la compagnie Transport DM Choquette, un sous-traitant de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal. Lors de l'accident, survenu à 9h40, le conducteur terminait son quart de travail.

 

«Il avait commencé à 20h, la veille. Il ne lui restait qu'un voyage à faire avant de retourner chez lui», a indiqué Daniel Choquette, copropriétaire de l'entreprise de Henryville, en Montérégie. Le conducteur, qui a une douzaine d'années d'expérience, faisait sa cinquième nuit consécutive de 12 heures de travail.

Daniel Choquette assure qu'il était malgré tout «en pleine forme», assurant que son entreprise respecte la loi C-430. En vertu de cette loi provinciale, les conducteurs de véhicules lourds ne peuvent pas travailler plus de 70 heures au cours d'une période de sept jours consécutifs.

Transport DM Choquette rémunère ses camionneurs à l'heure, mais l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal paie l'entreprise au volume de neige qu'elle transporte vers les dépôts à neige. La compagnie impliquée dans le deuxième accident, Entreprises Ste-Croix, est également payée au volume, a confirmé Karine Tougas, chargée de communications à l'arrondissement d'Ahuntsic-Cartierville.

Une méthode inadéquate?

Les arrondissements - qui gèrent les opérations de déneigement - ont uniquement recours à l'entreprise privée pour transporter la neige vers les dépôts. Le paiement au volume est une «pratique courante» à la Ville de Montréal, a confirmé hier Luis Miranda, le nouveau responsable du déneigement au comité exécutif.

M. Miranda et le maire de Montréal, Gérald Tremblay, ont convoqué les médias hier pour faire le point sur les deux accidents. Quand on lui a demandé si le mode de rémunération lui semblait approprié, Luis Miranda ne s'est pas prononcé.

«Nous allons attendre les rapports du coroner sur les décès des trois piétons avant de parler des modifications qui pourraient être apportées», a-t-il répondu.

Le comité exécutif a tout de même souligné que tous les accidents mortels reliés au déneigement depuis 10 ans impliquaient des entrepreneurs privés. Depuis 2005, six personnes sont mortes sous les roues de véhicules de déneigement, selon les données de la Ville.

Une statistique qui n'a pas étonné Michel Parent, président du Syndicat des cols bleus regroupés de la Ville de Montréal. «Les entrepreneurs privés font des heures de fous! a-t-il dénoncé lors d'un entretien avec La Presse. Ils font parfois du 24 heures sur 24.»

«Si des camions de la Ville s'occupaient du transport de la neige, il n'y aurait pas d'accidents, a-t-il poursuivi. La Ville pourrait mieux contrôler le nombre d'heures travaillées.»

En effet, l'administration municipale n'a aucun contrôle sur l'horaire des entrepreneurs privés. «Ce n'est pas à nous de nous assurer que les entrepreneurs respectent la loi, a indiqué Bernard Larin, porte-parole du comité exécutif. Ils sont mandataires auprès de la Société de l'assurance automobile du Québec.»

Richard Bergeron, chef du parti Projet Montréal, croit que les accidents devraient inciter la Ville à revoir sa façon de procéder. «Quand tu paies les gens à la tâche, c'est ce qui arrive. Celui qui a reçu le contrat a intérêt à faire son travail le plus rapidement possible.»

M. Bergeron a finalement dénoncé l'empressement de l'administration municipale à déblayer les rues. «C'est l'hystérie d'enlever la neige le plus vite possible. On ne pourrait pas se calmer un peu?»

Total des précipitations sur Montréal depuis novembre 2008

184,9 cm

La ville de Montréal a un réseau de

6550 km

de trottoirs et de

4100 km

de chaussée à déneiger.

Chaque hiver,

il y a en moyenne 85 événements météo

qui nécessitent une intervention.

Il y a en moyenne

six opérations de chargement de neige par hiver

à Montréal.

Sur le territoire de Montréal, il y a

1 634 547 habitants,

450 immeubles stratégiques,

1,3 million de véhicules

qui circulent chaque jour et 500 000 personnes qui passent au centre-ville.

En 2008, le coût moyen d'une tempête de neige avec une accumulation au sol de 25 cm est de

17 millions.

Budget total en 2008:

127 millions

Budget total en 2009:

130 millions

La Ville a encaissé un déficit de 30 millions en 2008.

Source: Ville de Montréal et Environnement Canada

Accidents mortels reliés au déneigement à Montréal

2005 2

2006 0

2007 0

2008 1

2009 3