Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, a analysé et comparé les prix auxquels ont été vendus récemment plusieurs terrains municipaux et il en conclut que l'administration Tremblay a fait un cadeau «complaisant» aux promoteurs de la gare Viger. «C'est du favoritisme éhonté», dit-il.

Le terrain de la gare Viger a été vendu en 2005 pour 8 millions net avec l'engagement que le promoteur devra remplir pour 6 millions de dollars d'obligations: en contribuant pour 5 millions au financement de la première ligne de tramway et pour un million à des interventions sociales locales.

L'analyse de Richard Bergeron l'amène à dire que ce prix de vente correspond à 635 $ par mètre carré. Si les obligations ne sont pas remplies, il sera alors de 363 $. M. Bergeron a comparé cette transaction datant de trois ans à trois autres récentes transactions immobilières impliquant des terrains de la Ville.

D'abord, Montréal a vendu le mois dernier un terrain de 2 024 m2, situé entre la rue Notre-Dame et la rue Saint-Antoine, près de la place d'Armes, actuellement occupé par des places de stationnement. Prix de vente : 3 650 000 $. Prix au m2 : 1 803 $, soit trois à six fois plus cher que pour la gare Viger, dépendamment que l'on tient compte des obligations ou pas.

M. Bergeron a aussi évoqué un terrain situé près de l'École de technologie supérieure, à l'ouest de l'autoroute Bonaventure. Là où se trouvait l'ancienne usine de chocolat Lowney, un promoteur veut créer un quartier d'habitation. Prix de vente du terrain au m2 : 1531$.

Dans le cas du troisième terrain, il n'est pas situé au centre-ville mais près de la station de métro Rosemont. D'une superficie de 3081 m2, ce terrain des anciens ateliers municipaux a été vendu un peu plus de 2,4 millions, soit environ 790 $/m2.

M. Bergeron dit que pour un projet de 400 millions comme celui de la gare Viger, la Ville aurait dû vendre le terrain environ 40 millions, soit 1812 $/m2, donc un peu plus cher que le terrain de la place d'Armes. Mais il faut tenir compte de l'édifice prestigieux qui s'y trouve dessus, dit-il.

Richard Bergeron ne remet pas en cause le «bien-fondé» du projet de la gare Viger mais il dit que «Gérald Tremblay a abdiqué ses responsabilités et pervertit les processus». Il critique le fait que la vente à été réalisée de gré à gré et non pas par appel public de propositions, comme cela a été fait dans le cas des terrains de la place d'Armes et de la station de métro Rosemont.

«Si Projet Montréal remporte les prochaines élections, l'appel public de propositions sera obligatoire, dit-il. Gérald Tremblay connaît les règles, alors pourquoi changent-elles quand c'est un autre calibre d'investisseurs?»

M. Bergeron dit à ce propos que les investisseurs de la gare Viger sont très fortunés : il s'agit, dit-il, de Philippe De Gaspé-Beaubien, l'ancien patron de Télémédia, et du Néerlandais Richard Homburg. Il ajoute que ceux qui font avancer le projet, «Philip O'Brien, Cameron Charlebois et Pierre Ouellet sont au coeur de tous les réseaux montréalais : aucune porte ne leur est fermée».

M. Bergeron dit que le projet de la gare Viger est un «dossier politique». «L'immobilisme et l'à-plat-ventrisme de Gérald Tremblay sont en cause, dit-il. Au pire, il s'agit d'une volonté consciente et délibérée de l'administration Tremblay d'avantager certains réseaux. Je tiens à ce que les citoyens le sachent.»

Pour André Lavallée, membre du comité exécutif de Montréal et membre du parti du maire Tremblay, Union Montréal, l'analyse de M. Bergeron est incomplète. «La décision de mettre en vente Viger a été prise en l'an 2000 par le conseil municipal, donc par l'administration précédente, et cela a suivi une longue période de discussions, dit-il. C'est un site qui contient des contraintes majeures notamment par rapport à l'édifice exceptionnel qui nécessite des rénovations. On ne peut comparer avec le terrain vacant du métro Rosemont, par exemple.»

Mais alors, si le terrain de la gare Viger n'avait pas comporté l'édifice ou si on l'avait détruit, aurait-on vendu ce terrain plus cher? «On peut penser que la valeur marchande aurait été différente», a répondu M. Lavallée.

André Lavallée se questionne sur la raison pour laquelle M. Bergeron se préoccupe du prix de vente de la gare Viger «huit ans après» la décision de la vendre. «On dirait qu'il veut se démarquer de l'administration Tremblay et de M. (Benoit) Labonté. Est-ce parce qu'il a des difficultés dans son propre parti?»