Plusieurs syndicats de policiers ont commencé à échafauder un plan pour faire modifier le projet de loi du gouvernement Marois relatif aux enquêtes indépendantes sur les forces de l'ordre, qu'ils jugent influencé par ce qu'ils appellent «les groupes de pression antipoliciers».

Une rencontre a eu lieu vendredi dernier entre l'Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ), la Fraternité des policiers et policières de la Ville de Québec (FPPVQ) et l'Association des membres de la police montée du Québec (AMPMQ) afin de préparer une réplique au ministre de la Sécurité publique, Stéphane Bergeron. Les trois organismes sont sortis en haussant le ton contre ceux qui les critiquent.

«On ne nous a jamais montré d'enquête qui a été mal faite ou complaisante. Ça reste toujours une simple perception alimentée par des groupes de pression antipolice. Regardez le projet de loi, c'est pratiquement à leur image! C'est ce qu'ils demandent depuis des années!», s'insurge Pierre Veilleux, président de l'APPQ.

Un organisme civil

Le ministre Bergeron a déposé à la fin du mois de novembre un projet de loi visant à instaurer un Bureau des enquêtes indépendantes, un organisme civil qui serait chargé d'enquêter sur les agissements des policiers lorsqu'une personne meurt ou est blessée gravement au cours d'une intervention policière ou pendant sa détention.

L'objectif serait de déterminer si les policiers impliqués doivent être tenus responsables criminellement. Le Bureau serait dirigé par un civil n'ayant jamais été agent de la paix. Ses enquêteurs, qui pourraient inclure des policiers à la retraite, seraient aussi des civils.

Le projet fait notamment suite à plusieurs controverses soulevées par des opérations policières qui ont tourné au drame.

Or, même s'ils sont ouverts à un apport de la part des civils, les syndicats tiennent mordicus à ce que les enquêtes sur leurs membres soient encore réalisées par des policiers.

«Présentement, ces enquêtes sont faites par des gens extrêmement compétents. Aller former un nouveau corps de police avec d'anciens policiers qui n'ont plus de comptes à rendre à personne, plus de code de déontologie, ça me fait peur», lance Gaétan Delisle, président de l'AMPMQ.

Les associations de policiers comptent faire des représentations coordonnées à ce sujet et présenter un rapport en commission parlementaire. Elles affirment qu'elles ont bon espoir de faire modifier le projet.

Pas assez de transparence

Les syndicats reconnaissent toutefois une chose: la façon de faire actuelle n'est pas assez transparente et alimente la crainte que les policiers se protègent entre eux lorsqu'ils enquêtent les uns sur les autres.

«Présentement, il n'y a pas d'information qui se donne, les délais ne sont pas expliqués, et le résultat non plus. Donc le monde chiale, il pense qu'on est en train de trafiquer la patente. À écouter certaines réactions, on se croirait dans une république de bananes, ce qui n'est pas le cas du tout», déplore Pierre Veilleux.

Son collègue Bernard Lerhe, président de la FPPVQ, est du même avis. Il cite en exemple le cas de Mario Hamel, tué alors qu'il était en crise au centre-ville de Montréal, l'an dernier. Une balle perdue avait fait une deuxième victime, Patrick Limoges, qui n'avait rien à voir avec l'intervention.

«La scène avait été filmée. Le public aurait pu être informé rapidement de ce qu'on voyait sur les images, ça aurait évité beaucoup de suspicion. Quand on ne donne pas d'information, les groupes antipolice en profitent pour nous attaquer», constate-t-il.