Elle avait 19 ans, se faisait appeler Tiffany et offrait le service de base, auquel pouvaient s'ajouter des «extras» moyennant certains suppléments. En deux semaines, à la fin de l'été 2011, elle a «fait» onze clients, dont un qui avait «l'air d'un fou.» Elle ne voyait pas la couleur de son argent, car celui qui l'avait séduite et entraînée dans la prostitution s'en emparait aussitôt.

«Ils nous faisaient croire que c'était notre choix», a raconté Tiffany, hier, alors qu'elle témoignait au procès des trois hommes qui sont accusés de proxénétisme et autres accusations connexes, soit les frères Miguel et Gainsley Nemorin, ainsi que David Bellegarde, tous dans la vingtaine. Outre Tiffany, on compte deux autres présumées victimes, dont une qui avait 17 ans au moment des faits reprochés, qui seraient survenus entre le 27 août et le 11 septembre 2011.

Alcool, sexe...et prostitution

Juchée sur des souliers blancs aux talons d'une hauteur vertigineuse, mais vêtue sobrement de noir, Tiffany a témoigné d'une voix faible, souvent au bord des larmes. Elle et les deux autres victimes alléguées sont originaires du Saguenay. Le 27 août 2011, elles se sont retrouvées dans un party africain, dans un petit bar de Chicoutimi. Elles sont reparties avec des gars et ont fini la soirée dans un motel, à boire et à avoir des relations sexuelles. Sauf Tiffany, qui assure qu'elle n'était qu'allongée.

Quoi qu'il en soit, le lendemain, les trois jeunes filles partaient avec les gars [les accusés], vers Montréal. Les six se sont retrouvés dans un motel. Les gars auraient demandé aux filles de se photographier dans des tenues sexy. Ils ont ensuite mis les photos en ligne sur le site internet Annonces 1-2-3. Et c'était parti pour la prostitution. Les trois jeunes femmes recevaient des clients au motel ou se déplaçaient. Les accusés leur ont fait comprendre qu'il fallait de l'argent pour vivre.

Tiffany assure qu'elles étaient surveillées et ne pouvaient aller plus loin que le stationnement du motel. Après, les filles se sont retrouvées dans un appartement de la rue Théodore, mais le même manège se poursuivait. Les gars devenaient pas mal moins gentils si elles refusaient de travailler, a-t-elle dit.

Paralysée par la peur

Tiffany soutient qu'elle n'osait pas appeler le 9-1-1 parce qu'elle avait peur. Le 11 septembre 2011, Tiffany a voulu partir, il y a eu du brasse-camarade et la police est intervenue. Deux des accusés sont détenus depuis ce jour, tandis que David Bellegarde, lui, a pu obtenir un cautionnement.

En contre-interrogatoire, Me Clemente Monterosso a fait ressortir que Tiffany avait continué à faire de la prostitution après les arrestations des trois hommes. «Je l'ai fait pendant un mois après, parce que j'étais dans les gros problèmes», a-t-elle lancé. Mais elle a assuré qu'elle n'avait plus sollicité de clients depuis.

Me Monterosso lui a alors montré une annonce provenant d'un site internet, sur laquelle elle s'affichait en tenue suggestive sous le nom de Roxy, qui offrait un «excellent service», avec possibilité de duo et sans condom... Et cette annonce serait toujours en ligne, selon l'avocat.

Après s'être offusquée, Tiffany a dit: «O.K., je vais vous dire la vérité: j'ai essayé de le faire il y a deux mois.» Le procès se poursuit mardi, devant le juge Salvatore Mascia. C'est Me Jean-François Roy qui occupe pour la Couronne.