Il y a du nouveau dans le dossier Nil Lapointe, cet homme d'affaires qui s'est suicidé en 2010 après avoir floué des centaines d'investisseurs. La caisse populaire de Saint-Sauveur a permis, pendant des années, que le gourou retire les millions de dollars des investisseurs... en argent liquide.

Selon une requête déposée en cour, de 2004 à 2006, Lapointe a retiré 15 millions de dollars en petites coupures, au guichet automatique ou au comptoir. L'homme quittait parfois l'établissement avec 100 000$ en billets de banque dans une mallette.

Ces renseignements ont été obtenus par le syndic de faillite Éric Bisson, de la firme Pinsky Bisson. M. Bisson a été nommé pour superviser la faillite de l'entreprise de Nil Lapointe, Tanzanite, et celle de la succession de l'homme d'affaires.

Nil Lapointe dirigeait un groupe de développement personnel et d'investissements, dans les Laurentides. Il disait aux investisseurs qu'il avait trouvé un moyen infaillible pour obtenir des rendements pouvant atteindre 5% par mois. L'argent était soi-disant placé dans les matières premières à l'aide d'un robot virtuel.

L'organisation a commencé à avoir des problèmes en 2006. Nil Lapointe a alors avisé les investisseurs que leurs fonds étaient bloqués en Europe par la banque centrale. En réalité, l'homme dirigeait une pyramide à la Ponzi, qui survivait tant que de nouveaux investisseurs injectaient des fonds. La pyramide s'est effondrée en 2010, lors de la mort de M. Lapointe. L'homme a laissé une lettre expliquant aux investisseurs qu'il ne restait plus rien.

Un recours collectif

Tanzanite et la succession de Nil Lapointe ont été placés en faillite en avril 2011. Le syndic a voulu savoir où est allé l'argent. Il a demandé les relevés de compte de l'organisation à la caisse populaire Desjardins de la Vallée des Pays-d'en-Haut, à Saint-Sauveur.

Les relevés obtenus en mars 2012 sont stupéfiants: entre 2004 et 2006, Nil Lapointe a retiré la presque totalité des fonds du compte en argent comptant, soit 15 millions de dollars, nous indique le syndic Éric Bisson, qui n'a jamais rien vu de tel en 19 ans de carrière.

«Par exemple, il commandait un retrait de 100 000$ à l'institution financière, qui lui remettait la somme en mains propres», nous explique-t-il.

Au total, 580 retraits ont été faits en trois ans, pour des sommes moyennes de 26 095$. La caisse n'a pas encore pu fournir au syndic les données des trois premières années de l'organisation, soit du début de 2001 à la fin de 2003.

Ces renseignements connus, une requête en recours collectif a été déposée contre la caisse Desjardins, à la fin du mois de mars dernier. Le représentant des victimes, Rhéal Gosselin, a lui-même perdu 876 061$ dans cette affaire. Il demande qu'on l'autorise à intenter ce recours collectif au nom du groupe.

La caisse Desjardins «n'a fait aucune démarche afin de faire cesser ces agissements et opérations nettement irrégulières ou encore de s'enquérir et de faire enquête pour savoir de quoi il retournait [...]. Elle a fait preuve d'aveuglement volontaire dans les opérations frauduleuses exercées par Nil Lapointe», est-il écrit dans la requête, coordonnée par Me Vincent Fortier, du cabinet Barakatt Harvey.

La requête en recours collectif cherche à représenter les dizaines d'investisseurs floués par Nil Lapointe et ses entreprises Tanzanite, Tanzanite 2005 et 9103-0650 Québec inc. entre 2001 et 2006. Pour le moment, le syndic a reçu des réclamations d'un peu plus de 8 millions de dollars d'une centaine de personnes.

L'Autorité des marchés financiers (AMF) estime à 500 le nombre d'investisseurs floués en incluant une autre entreprise de Nil Lapointe, la coopérative CD2i. En février 2011, l'AMF a poursuivi le bras droit de Nil Lapointe, Claudé Hamel, et lui a réclamé des amendes de 1,8 million. Deux autres personnes sont aussi visées par les accusations. La cause est pendante.

Chez Desjardins, on estime n'avoir rien fait de répréhensible. «La caisse de Saint-Sauveur a géré ce dossier de façon rigoureuse et elle entend se défendre vigoureusement», a dit le porte-parole, André Chapleau. Dans l'affaire Earl Jones, la Banque Royale a accepté de verser 17 millions pour indemniser les 150 victimes, qui auraient perdu plus de 40 millions.