Assis sur un banc du parc La Fontaine, Benoît Trempe, un solide gaillard aux yeux perçants, vêtu d'un chandail moulant griffé, admet d'emblée être «proche» des Hells. «Mais je ne suis pas un proxénète», clame-t-il.

Arrêté la semaine dernière dans le cadre d'une vaste opération qui a mobilisé une centaine de policiers, l'homme de 39 ans, formellement accusé de proxénétisme la semaine dernière au palais de justice de Montréal, jure qu'il plaidera non coupable.

 

Libéré en échange d'une caution de 3000$ avec promesse de garder la paix, il a tenu à rencontrer La Presse. «C'est sale, cette histoire. Je ne comprends vraiment pas pourquoi moi j'ai été busté alors que les autres agences ont la paix», dit-il.

Officiellement constituée en 2006, son entreprise, Les Promotions MSTRIP, qui exploitait plusieurs agences d'escortes sur le site MTLCstation.com, est devenue en peu de temps l'une des plateformes de promotion de services de prostitution les plus importantes à Montréal.

À croire M. Trempe, le rôle qu'il jouait était simple: après avoir vérifié l'identité des filles au moyen de leur permis de conduire, il les prenait en photo et les mettait en valeur sous les différentes bannières du site. «C'était vraiment un service haut de gamme, avec des photos de grande qualité.» Il admet avoir photographié «entre 600 et 800 filles» au fil des mois mais soutient que ses services représentaient «25 filles au maximum» au moment de la frappe policière.

Benoît Trempe dit qu'il s'occupait aussi du serveur du site, qui attirait plus de 2400 visiteurs par jour. Un numéro de téléphone permettait de prendre des rendez-vous avec les escortes. «Mais on ne gérait pas les filles. On ne leur offrait qu'un service. Les filles décidaient elles-mêmes des tarifs qu'elles demandaient, géraient leur horaire et pouvaient même se déplacer à leurs propres frais pour ne pas avoir à payer notre service de chauffeur», jure-t-il.

Selon ses explications, son entreprise faisait affaire avec d'autres «agences affiliées». «Quand on prenait un rendez-vous pour ces agences-là, on leur donnait une commission de 10% (sur l'argent gagné par les escortes); on se gardait 5%.»

«On ne faisait pas d'argent. En décembre, on était même au bord de la faillite. Je me suis endetté pour acheter de l'équipement. J'ai investi comme un fou. Je dois maintenant vivre avec 60 000$ de dettes sur quatre cartes de crédit platine.

Infiltration

Le sympathisant des Hells dit avoir senti en 2007 que les policiers l'avaient à l'oeil. «Ça se sent, ces choses-là. Mon instinct me disait que quelque chose de tout croche se passait. On a eu toutes sortes de demandes bizarres.»

Tout récemment, il dit avoir eu la visite d'individus qui lui ont demandé de mettre sur pied un site de réservation sécurisé doté d'un système de cryptage, pour permettre aux touristes de choisir des escortes en toute discrétion. «J'ai créé le site. C'était du solide. Je l'ai présenté aux clients et, quelques jours plus tard, je me suis fait buster. C'est sûr que c'est des agents doubles qui m'ont piégé.»

Pourquoi les policiers ont-ils frappé son agence et pas les autres? «C'est sûr que le fait qu'on soit HA (abréviation utilisée dans le milieu criminel pour désigner les Hells Angels), ça dérangeait bien du monde, admet-il. Mais je pense que les policiers nous ont ciblés parce qu'on était trop transparents. Tout était enregistré légalement. On acceptait les paiements par cartes de crédit. On était une cible trop facile.»

Benoît Trempe croit aussi que ses partenaires ont commis certaines erreurs qui ont attiré les regards: «Un gars qui était avec nous s'est fait prendre à faire une fausse déclaration à l'aide sociale. On avait Revenu Québec sur le dos depuis ce jour-là.»

«Ce que je ne comprends pas, c'est que les policiers s'intéressent juste à nous. Les autres grandes agences, qui brassent des affaires encore plus sales et qui traitent leurs filles comme de la merde, ne sont même pas dans leur radar. Nous, on avait juste une éthique plus élevée que les autres. C'est ça qui nous a nui», estime le sympathisant des Hells.