Il rêvait depuis toujours d'être policier comme son père, et faisait ce qu'il fallait pour y arriver. Mais à ce moment précis de la soirée du 6 août 2016, alors qu'il se vidait de son sang sur un trottoir du centre-ville de Montréal, Tommy Bertrand-Dell'Accio pensait que sa vie ne se poursuivrait pas au-delà de ses 19 ans.

Le jeune agent de sécurité en poste à une pharmacie Jean Coutu venait de se faire poignarder au coeur par le voleur qu'il poursuivait. Celui qui venait de voler un haut-parleur s'était caché dans la poursuite et l'avait attendu, angle De Maisonneuve et Saint-Mathieu. Le jeune agent aurait reçu cinq coups de couteau, comme en témoignent les trous sur son chandail. Deux étaient plus graves, dont un qui a atteint le coeur. Il l'ignorait alors.

«Je me suis relevé, et là, la douleur commençait à se faire sentir. Je me suis agenouillé, j'ai demandé à un passant d'appeler le 911. Selon moi, je vivais mes derniers instants. J'avais froid et je m'endormais», a déclaré M. Bertrand-Dell'Accio, alors qu'il témoignait au procès de son agresseur, Hicham Chaouby

En fait, le procès n'a pas eu lieu, puisque Chaouby a plaidé coupable à des accusations de vol qualifié et de voies de fait graves.

Les avocats des deux parties ont suggéré conjointement une peine de cinq ans et trois mois d'emprisonnement, qui s'ajouterait à la détention préventive. La juge Nathalie Fafard a entériné la suggestion. Elle a demandé à l'accusé s'il avait quelque chose à dire à la victime.

Piteux dans le box des accusés, M. Chaouby a présenté ses excuses en pleurant. Pour «le vol et le mal» qu'il a fait à la victime.

D'origine marocaine, M. Chaouby est arrivé au Québec en 2013, en laissant sa femme et ses filles derrière lui. Il leur parlait par l'internet. Ce n'était pas la première fois qu'il venait au Québec. Il n'avait pas d'argent pour retourner au Maroc, a-t-il dit. Il n'avait pas d'antécédent judiciaire. Au moment des faits, il gagnait environ 300 $ par semaine, parce que l'entreprise n'avait pas plus de travail à lui offrir, a-t-il expliqué. «La vie pour un immigrant est très difficile», a-t-il raconté.

Après l'agression, il avait réussi à fuir. Il a été arrêté quatre jours plus tard, et a avoué son crime.

Se basant sur un rapport de l'Institut Philippe-Pinel, Me Simon Gosselin a fait valoir que son client avait certains troubles d'adaptation. Il avait eu un suivi psychologique avant les événements. «Il a un historique psychiatrique, mais il comprenait ce qui se passait au moment des événements», a précisé l'avocat.

Pas cher payé, selon la victime

Tommy Bertrand-Dell'Accio affirme qu'on lui donnait 40% de chances de survie quand il est arrivé à l'hôpital, ce fameux jour. Il s'est réveillé en salle de trauma avec «onze tuyaux» branchés un peu partout. Il garde certaines séquelles pour le moment. Malgré l'agression, il a repris son cours de techniques policières. À cause de état de santé, il obtiendra son diplôme un peu plus tard que prévu.

La peine infligée à l'accusé le déçoit un peu. Il trouve que ce n'est pas cher payé pour ce qu'il associe plus à une «tentative de meurtre» qu'à une voie de fait grave. «Il m'attendait au coin de la rue», a-t-il dit.

Le jeune homme est enfant unique. Son père, François Bertrand, policier à la Sûreté du Québec, a eu peur de le perdre. «Ça ne se peut pas poignarder quelqu'un pour ça», dit-il.

PHOTO FOURNIE PAR LE SPVM

Hicham Chaouby