Celui qu'on désigne comme le «lanceur d'alerte» dans le procès portant sur l'utilisation du fonds secret de la Sûreté du Québec (SQ) a raconté, mardi, comment il avait été intrigué par le fait que des chèques émis à deux officiers de haut rang, en 2010, provenaient de ce fonds.

Le témoin, qui travaillait aux finances de la SQ, se souvient qu'il a été fort surpris de voir un officier, Steve Chabot, se présenter au département des finances sans rendez-vous, le 17 mars 2010. Après son départ, le témoin a appris que M. Chabot était venu chercher deux chèques: l'un de 167 000 $ à son nom et l'autre, de 78 000 $, au nom d'Alfred Tremblay.

«J'ai trouvé ça anormal que ça vienne en même temps qu'ils se préparaient pour leur retraite», a raconté le témoin.

Le témoin a expliqué qu'il avait rapporté l'affaire à la haute direction, mais qu'on lui avait dit que tout était en règle, selon le directeur Richard Deschesnes. Le témoin a tout de même gardé copie des chèques sous clé, dans son bureau, pendant deux ans.

Nouveau directeur

En septembre 2012, l'arrivée au pouvoir du Parti québécois a amené des changements à la SQ. Le témoin a été ému aux larmes quand il a raconté le limogeage du directeur Deschesnes. «À la mi-octobre, le directeur Deschesnes est remplacé par décision politique. Il y a un nouveau directeur, Mario Laprise, qui fait un remaniement de tout l'état-major. Je dois l'informer des procédures dans le cas de Chabot et de Tremblay. Parce que les changements peuvent impliquer d'autres règlements du même ordre», a-t-il dit.

Audette

Le témoin, dont l'identité est frappée d'une ordonnance de non-publication, témoigne au procès de Jean Audette. Celui-ci est le premier des officiers de haut rang de la SQ jugés pour fraude et abus de confiance en lien avec l'utilisation du fonds secret. Ce fonds, d'environ 25 millions par an, est destiné à payer des frais pour des enquêtes. Il appert qu'il aurait aussi servi à donner des primes à des policiers. L'ex-directeur Deschesnes, Steve Chabot et Alfred Tremblay doivent subir leur procès ultérieurement.

M. Audette, qui était directeur général adjoint aux enquêtes au moment des faits, est jugé seul. On lui reproche d'avoir signé les formulaires pour rémunérer Denis Depelteau. Ce policier de la SQ était devenu consultant pour le corps de police national, après avoir pris sa retraite. Entre août 2011 et octobre 2012, il a été rémunéré à hauteur de 233 000 $, à même le fonds secret, pour ses services. Selon un nouveau règlement, M. Depelteau ne pouvait pas recevoir de contrat du gouvernement parce qu'il devait de l'argent au fisc. Le problème aurait été contourné avec le fonds secret.

M. Depelteau, qui était également accusé, a plaidé coupable en décembre 2014 à des accusations d'abus de confiance et de fabrication de faux. Il a écopé d'une peine de 15 mois à purger dans la collectivité.