Le Montréalais Adil Charkaoui, qui réclame 26 millions de dollars au gouvernement du Canada pour l'avoir considéré longtemps comme un agent dormant d'Al-Qaïda et détenu, a-t-il voulu commettre une attaque biochimique contre le métro de Montréal?

Cette nouvelle embarrassante figure dans un document d'une soixantaine de pages déposé récemment par les procureurs du gouvernement fédéral.

On y apprend que le 16 juillet 2002, le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a intercepté une conversation entre Abousfian Abdelrazik (un Soudanais de Montréal qui poursuit aussi le gouvernement) et un autre Montréalais, propriétaire d'un restaurant, «dans laquelle ce dernier relatait une conversation préoccupante avec un «Adil» au cours de laquelle ce dernier aurait évoqué une possible attaque biochimique contre le métro».

«Malgré le fait que la teneur de la conversation ne permettait pas de confirmer définitivement l'identité du «Adil» en question, le SCRS était d'avis qu'il s'agissait effectivement du demandeur [Adil Charkaoui] en raison des liens étroits du demandeur avec Abdlerazik et Ezzine et de la prononciation particulière du prénom utilisé [...]», lit-on.

Le nom de Montréal n'est pas précisé, mais il ne fait aucun doute que c'est le métro de la métropole qui était concerné, selon les sources consultées par La Presse.

Le document obtenu hier en primeur par Radio-Canada révèle aussi qu'en 2000, des agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui filaient Charkaoui l'ont surpris à plusieurs reprises en train de voler des objets et des documents dans des automobiles garées près de centres commerciaux sur la Rive-Sud.

Des vols pour se financer

Le SCRS dit avoir eu des «motifs raisonnables de croire» que les nombreux larcins et «fraudes par cartes de crédit» commis par Adil Charkaoui avaient pour but de financer des activités terroristes. Des transferts d'argent auraient d'ailleurs eu lieu.

Le résumé soumis par le Canada pour sa défense rappelle aussi les grandes lignes de l'enquête du SCRS contre Adil Charkaoui. Il a, affirme-t-on, participé à des camps d'entraînement d'Al-Qaïda en Afghanistan, prôné le djihad armé, discuté de la planification d'attentats, en plus d'avoir le profil d'un agent dormant. On rappelle aussi ses liens avec plusieurs Montréalais condamnés depuis pour terrorisme, dont Ahmed Ressam et Abdellah Ouzghar, Said Atmani, etc., tous des ex-membres de la cellule de Montréal.

Cette histoire d'attentat dans le métro rappelle aussi une conversation interceptée par le SCRS en 2000, et divulguée en 2011 par La Presse, dans laquelle Adil Charkaoui et Abousfian Abdelrazik auraient discuté d'un plan pour faire exploser un avion d'Air France reliant Montréal à Paris.

Adil Charkaoui a été arrêté en avril 2003 en vertu d'un certificat de sécurité. Il avait été incarcéré 21 mois avant d'être remis en liberté en contrepartie d'une multitude de conditions, dont le port d'un bracelet électronique à la cheville. Il a été libéré de ces contraintes en 2009 à la suite de l'annulation de son certificat de sécurité par la Cour fédérale.

Depuis, il réclame 26 millions au gouvernement pour tous les dommages subis, violation de ses droits constitutionnels, son «arrestation et détention illégale», atteinte à la réputation, etc.

Dans sa poursuite, Adil Charkaoui affirme que sa «qualité de vie a été anéantie» et qu'il est «stigmatisé à jamais, tant au Canada qu'à l'étranger».

Il déplore aussi que désormais des «milliers de documents accessibles sur internet le relient aux terroristes, de sorte que sa réputation est à jamais entachée».