Pourquoi Marie-Nicole Rainville, qui connaissait apparemment le maniement des armes à feu, se serait-elle tuée en tenant un pistolet à l'envers, par le canon, au lieu de la crosse?

Cette question n'a pas été posée de façon aussi directe, mais elle était dans l'air pendant le long contre-interrogatoire que le procureur de la Couronne Michel Fortin a fait subir à l'expert en balistique français présenté par la défense, au procès de l'ex-juge Jacques Delisle.

M. Vassili Swisstounoff, s'est employé à démontrer qu'il était possible de se tirer une balle dans la tête en tenant le pistolet à l'envers, même si c'est inhabituel. Les gens se tuent de façon inhabituelle parfois, a-t-il fait valoir. Par exemple, certains utilisent leurs orteils pour actionner une arme à feu.

Mais les tests menés par M. Swisstounoff et son exposé n'ont pas ébranlé la Couronne, qui s'est employée pendant deux jours à essayer de miner sa crédibilité et de déboulonner sa théorie. Le procureur est même arrivé avec un couvercle de casserole (eh oui, là aussi), hier, pour imiter l'angle d'une tempe et montrer que la théorie de l'expert ne tenait pas. La formation de l'expert de même que son rapport ont été scrutés à la loupe. L'homme travaille aujourd'hui pour un institut privé. Auparavant, il a travaillé pendant un an à l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, à la fin des années 90. Son contrat n'a pas été renouvelé.

En 2008, il a postulé pour un poste au service de balistique de la police de Marseille, mais ne l'a pas obtenu. Le chef du service, André Desmarais, était membre du comité de sélection. Or, M. Desmarais a été retenu comme expert en balistique par la Couronne dans le procès de Jacques Delisle. M. Swisstounoff s'est montré très critique de son rapport. Le procureur de la Couronne lui a demandé s'il «n'avait pas des comptes à régler» avec M. Desmarais. «Non, a fait valoir M. Swisstounoff, je ne vois pas pourquoi vous allez sur ce terrain-là.»

Déprimée

Plus tôt dans la journée, c'est la petite-fille de la défunte et de l'accusé, Anne-Sophie Morency, 22 ans, qui s'est avancée à la barre. La jeune femme a raconté qu'elle avait toujours été très proche de sa grand-mère, qu'elle considérait comme sa deuxième mère. Mme Rainville était une femme enjouée, fière, bien mise. Après son AVC qui l'avait laissée paralysée d'un côté, en avril 2007, elle n'était plus la même. Elle était déprimée, diminuée, et avait même confié un jour qu'elle aurait voulu «avoir une feuille pour expliquer comment mourir». Elle était encore plus déprimée après s'être fracturé une hanche, à l'été 2009.

Selon Mme Morency, ses grands-parents étaient unis et ne se «chicanaient» jamais. Elle n'a jamais entendu son grand-père élever la voix. Après l'AVC de Mme Rainville, il s'en occupait constamment, et était là jour et nuit. En contre-interrogatoire, le procureur de la Couronne Steve Magnan a insinué que la jeune femme ne s'était pas occupée de sa grand-mère autant qu'elle l'aurait pu. La jeune fille a pleuré et a dit: «À 17 ans, sa grand-mère, c'est pas la première chose à laquelle on pense.»

Jacques Delisle, 77 ans, juge retraité de la Cour d'appel, est accusé du meurtre prémédité de sa femme. Le procès se poursuit ce matin.