Un vieux projet d'autoroute dans l'ouest de l'île de Montréal fera plutôt place à un « chemin de parc ». Une voie réservée aux autobus et un sentier pour cyclistes et piétons seront aménagés en lieu et place du prolongement de l'autoroute 440 envisagé depuis près de 50 ans.

« C'était une idée pensée il y a quelques décennies, à une tout autre époque », a résumé le ministre des Affaires municipales, Martin Coiteux. Le ministère des Transports caresse depuis les années 70 le projet de prolonger les voies rapides traversant Laval d'est en ouest jusqu'à l'A40, à Kirkland.

Mais en cette ère de réduction des gaz à effet de serre, on a finalement décidé de remiser l'idée. Ce sont plutôt des autobus et des vélos qui utiliseront les terrains réservés depuis cette époque.

« On avait dans nos cartons un projet depuis des décennies qui n'avançait pas parce que personne n'avait envie de le faire avancer. Le gouvernement n'avait aucune intention de faire une autoroute à cet endroit. » - Martin Coiteux, ministre des Affaires municipales

La Ville de Montréal et le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports ont donc conclu une entente pour aménager un « chemin de parc » sur l'emprise laissée en friche. Celui-ci reliera le Réseau express métropolitain (REM) au futur parc urbain envisagé par l'administration Plante. Projet Montréal a en effet fait campagne en promettant de créer un important espace vert dans l'Ouest-de-l'Île en reliant le parc-nature du Cap-Saint-Jacques, le parc-nature de l'Anse-à-l'Orme et les vastes terrains de Pierrefonds-Ouest.

L'entente prévoit que Montréal pourra utiliser l'emprise pour les 50 prochaines années à des fins de parc. Les voies emprunteront l'emprise qui devait accueillir l'autoroute 440, entre le chemin Sainte-Marie, qui longe l'autoroute 40, et la rue Antoine-Faucon, à Kirkland.

Le Ministère couvrira les frais pour aménager les voies réservées aux autobus et le sentier multifonctionnel. Pour l'heure, le projet est sommairement évalué à 10 millions.

Les citoyens de Kirkland pourront prendre la piste pour rallier la station du REM de Kirkland, qui sera située dans la rue Jean-Yves. Une passerelle permettra aussi aux piétons et cyclistes d'enjamber l'autoroute 40 pour se rendre au bois d'Angell, au sud, à Beaconsfield.

« Le choix ici, c'est du transport collectif. Pas du rabattement par voiture, mais par autobus », a résumé Martin Coiteux.

La Société de transport de Montréal devra d'ailleurs veiller à offrir une bonne fréquence de service pour que l'accès au REM devienne une solution de rechange intéressante à la voiture, a prévenu la mairesse Valérie Plante.

« Il faut repenser comment on se déplace. C'est un nouveau modèle. Pour se rendre à la station du REM, on veut encourager les gens à se déplacer en transport collectif. » - Valérie Plante, mairesse de Montréal

Cette emprise fait l'objet de propositions depuis près de 50 ans. À l'origine, le Ministère projetait de prolonger l'autoroute 440 à Laval jusqu'à l'autoroute 40, à Kirkland. Pour ce faire, les voies rapides auraient dû traverser L'Île-Bizard et ses terres agricoles. « Vous passez une autoroute là-dessus, imaginez les dégâts. Il arrive un jour où il faut se rendre à l'évidence », a dit Martin Coiteux.

Le projet avait été suspendu en 1977 quand le gouvernement avait imposé un moratoire sur l'ajout d'autoroutes dans la région de Montréal.

Le prolongement de l'A440 n'aboutissant pas, plusieurs élus de l'Ouest-de-l'Île avaient convoité l'emprise pour aménager un boulevard urbain dans les années 2000. L'ex-maire de Laval, Gilles Vaillancourt, s'y était vivement opposé, lui qui souhaitait toujours voir le projet d'autoroute aboutir.

LE MAIRE DE PIERREFONDS SE DIT « CHOQUÉ »

L'annonce a grandement irrité le maire de l'arrondissement de Pierrefonds-Roxboro, Jim Beis, qui déplore de voir le projet de boulevard abandonné au passage. « Je suis choqué. J'ai travaillé pendant plusieurs années pour démontrer la nécessité d'un boulevard urbain et on voit que l'administration est complètement déconnectée de la réalité de l'Ouest-de-l'Île », a dénoncé Jim Beis.

L'élu craint que l'arrivée du REM n'entraîne le même phénomène que le long du train de banlieue à Pierrefonds. Depuis des années, de nombreux usagers viennent en voiture et se garent dans les rues voisines de la station. « Ça va obliger les gens à passer dans les rues résidentielles. Ça va déborder partout », prévient Jim Beis.

Le maire d'arrondissement évalue également que l'abandon du boulevard risque de sonner le glas d'un projet résidentiel de 5500 logements dans Pierrefonds-Ouest. L'élu estime qu'une artère s'imposait déjà avec la circulation actuelle; un projet qui ajouterait des milliers de voitures serait par conséquent difficilement viable.