Le changement ne s'est pas fait attendre au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Le nouveau directeur Martin Prud'homme va annoncer aujourd'hui qu'il ramène Ian Lafrenière comme responsable des communications du corps de police. Une rupture très visible avec le règne du chef suspendu Philippe Pichet, qui avait éjecté sans ménagement ce visage public de l'organisation.

Selon ce qu'a appris La Presse de plusieurs sources internes, Martin Prud'homme a rencontré les cadres du quartier général du SPVM mardi et annoncé son intention de faire plusieurs changements rapides. Il dit être pressé par le temps : son mandat n'est que d'un an, et il affirme être dans l'obligation d'obtenir des résultats concrets. Dans un courriel envoyé aux troupes, M. Prud'homme a déjà annoncé la nomination de M. Lafrenière en précisant que sa fonction est « hautement stratégique ».

Ian Lafrenière avait été l'homme de confiance de plusieurs directeurs successifs, mais il n'était pas dans les bonnes grâces de Philippe Pichet, un chef qui favorisait une proximité plus grande avec l'hôtel de ville et le bureau du maire dans la gestion des communications de la police, comparativement à ses prédécesseurs. Lafrenière était considéré comme un partisan d'une certaine distance avec le monde politique.

La décision de Philippe Pichet

M. Lafrenière avait aussi eu ses difficultés avec le bureau de l'ancien maire Denis Coderre et son personnel politique après le départ de l'ancien chef du SPVM Marc Parent, selon plusieurs sources qui étaient en place à l'époque dans l'entourage de l'hôtel de ville.

Philippe Pichet avait finalement dégommé son responsable des communications en juin 2016, après des discussions avec la Ville de Montréal et une firme de consultants privés. Celui qui était l'un des visages les plus connus de l'organisation depuis 20 ans n'était pas présent à l'annonce de son remplacement.

« C'est entièrement ma décision », avait confié le chef aux médias, en soulignant que Ian Lafrenière avait été « surexposé » et qu'il était l'officier en poste depuis le plus longtemps au sein de la même unité.

Catapulté comme inspecteur à la Division du renseignement, M. Lafrenière avait continué à porter régulièrement son uniforme au travail, plutôt que les vêtements civils favorisés par ses nouveaux collègues. Des policiers avaient publiquement manifesté au chef Pichet leur frustration par rapport à son transfert forcé.

À temps pour le rapport de la Commission

L'annonce d'aujourd'hui tombe à point, à la veille du dépôt du rapport de la commission Chamberland sur l'espionnage des journalistes, qui doit être dévoilé demain et qui risque d'écorcher le SPVM.

M. Lafrenière n'a pas été éclaboussé par les histoires d'appels du maire à la police et d'écoute électronique qui ont été l'objet des travaux de la commission. Il possède une bonne cote de crédibilité auprès de la plupart des médias du Québec et des autres organisations policières, ce qui pourrait aider à rebâtir certains ponts. Il n'a pas été éclaboussé non plus par le rapport de Me Michel Bouchard, qui révélait la semaine dernière un climat d'extrême tension en haut lieu au SPVM et de nombreuses dérives à la Division des affaires internes.

Selon nos informations, certains cadres du SPVM étaient réticents par rapport au retour de Ian Lafrenière. Après son départ, le contrôle s'était resserré pendant un certain temps sur la diffusion d'informations par le SPVM. Un directeur adjoint avait déclaré dans une réunion qu'il fallait « briser la culture du coulage » et cesser de transmettre certaines informations. Le directeur adjoint avait été enregistré à son insu et TVA avait diffusé l'enregistrement.

M. Prud'homme a aussi annoncé à l'interne qu'il ramène l'inspecteur André Durocher, qui a lui aussi été longtemps un porte-parole très visible de la police de Montréal, comme « conseiller spécial de la direction en matière de communications ». M. Durocher travaillait depuis quelque temps à la Direction stratégique.

- Avec la collaboration de Daniel Renaud