« C'est une retraite forcée. Je ne l'ai pas voulue », dit Joe Mayerouitch. Après 25 ans sur la Plaza St-Hubert, le commerçant s'apprête à fermer sa boutique de complets pour enfants. Il estime ne pas avoir les reins assez solides pour survivre aux quatre années de travaux d'infrastructures qui débuteront en septembre 2018 sur l'artère commerciale.

Officiellement, Joe Mayerouitch cesse l'exploitation de la « boutique Éva » parce que le bail ne sera pas renouvelé. Mais le commerçant affirme que les travaux qui débuteront bientôt sont parmi les principales raisons pour lesquelles il n'essaie pas de trouver un autre local sur l'artère commerciale. « On nous dit que les travaux vont durer quatre ans. Ça va être trop difficile pour moi », dit-il.

Les travaux qui seront entrepris sur la Plaza St-Hubert s'étendront jusqu'en 2021. Toutefois, le démantèlement de la marquise, fameux toit de verre qui abrite les trottoirs sur l'artère commerciale, est déjà complété entre les rues Saint-Zotique et Jean-Talon.

D'autres commerçants et vendeurs rencontrés par La Presse ont aussi affirmé qu'ils s'inquiètent pour leurs commerces et leurs emplois.

Une vendeuse de la boutique Anaïs Design affirme appréhender la catastrophe. « L'année prochaine, quand ils vont commencer à creuser, ça va être la mort. » Celle qui ne veut pas être nommée a déclaré que les conséquences financières des travaux à venir se font déjà sentir avec les travaux d'enlèvement de la marquise. 

« Nos ventes ont diminué de 70 % de septembre 2017 à aujourd'hui par rapport à la même période en 2016 », rapporte-t-elle.

Même son de cloche du côté de la gérante du magasin Mochico. Cette dernière, qui préfère garder l'anonymat, affirme que les propriétaires du magasin sont inquiets pour l'avenir de leur commerce sur la Plaza St-Hubert. « Le stationnement était déjà difficile à trouver ici. Avec les travaux, ça va être plus compliqué », dit-elle.

« UN MAL POUR UN BIEN »

Le ton est différent au magasin Semy. La boutique de chaussures haut de gamme est installée sur la Plaza St-Hubert depuis 46 ans et, selon ses propriétaires Natalie di Staulo et Pierre Savonitto, ce ne sont pas les travaux qui vont provoquer sa fermeture. « Les travaux sont réalisés en douceur et de façon intelligente, dit Mme di Staulo. Ils sont menés en deux parties : dans un premier temps, ils seront complétés entre Jean-Talon et Saint-Zotique, dans un second temps, on les complétera entre Saint-Zotique et Bellechasse. » Mme di Staulo affirme être très confiante et dit qu'elle pense plutôt au vent de fraîcheur qui soufflera sur l'artère commerciale une fois les travaux terminés.

S'il avoue avoir des appréhensions devant le début prochain des travaux d'élargissement du trottoir et de l'aménagement du réseau souterrain, Pierre Savonitto dit être rassuré par le respect des délais dans le démantèlement de la marquise. 

« L'enlèvement de la marquise est fait dans les délais. Si ça continue ainsi, ça devrait être correct », estime Pierre Savonitto.

Il admet toutefois s'attendre à un ralentissement économique « comme c'est le cas sur toutes les artères commerciales où il y a des travaux » et estime que ces travaux sont plutôt « un mal pour un bien ».

Francine Gallant, qui dirige le restaurant Le Roi du Smoked Meat, installé sur la Plaza St-Hubert depuis 64 ans, est quant à elle optimiste. « Après les travaux, la rue Saint-Hubert va être super belle. La rue avait besoin de ces travaux », dit-elle. Mme Gallant affirme que bien qu'elle ait des craintes concernant ses revenus durant les périodes de travaux, elle n'a pas peur pour l'avenir de son commerce. « On ne va pas fermer pour ça. C'est impossible. »

LA SDC DE LA PLAZA ST-HUBERT OPTIMISTE

Selon le directeur général de la Société de développement commercial (SDC) de la Plaza St-Hubert, Mike Parente, le plan des travaux est parfaitement pensé pour réduire les impacts financiers sur les commerçants. « On fait la majeure partie des travaux en deux parties qui durent une année chacune. Les travaux majeurs vont durer deux ans, a déclaré M. Parente. On aurait pu tout faire en une année, mais ça aurait paralysé le commerce sur la rue à cause du nombre élevé de camions et du déficit de stationnement pour les clients. » S'il reconnaît qu'il va y avoir des fermetures de magasins, il indique toutefois que les travaux à venir ne peuvent pas être les seules raisons derrière ces fermetures. M. Parente a aussi précisé que la Ville de Montréal a promis de verser une subvention aux commerçants pour compenser leurs pertes de revenus dues aux travaux.

« Il y en a qui ne vont pas être contents à cause des travaux, mais on ne peut pas plaire à tout le monde. Ce sont des travaux qui doivent être faits », dit-il.

La Ville de Montréal a indiqué à La Presse qu'elle tiendra une rencontre de travail pour se pencher sur cette question au cours de la semaine.

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ÉTAPES DES TRAVAUX

• Mise à niveau des infrastructures souterraines (conduites d'égout et d'aqueduc)

• Remplacement de la marquise

• Élargissement des trottoirs

• Aménagement de cinq places publiques

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BUDGET DES TRAVAUX

• 25 millions Réfection des infrastructures et aménagement de surface 

• 22 millions Remplacement de la marquise

• 2 millions Interventions complémentaires

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LA PLAZA ST-HUBERT EN BREF

Artère commerciale située sur la rue St-Hubert, entre les rues Jean-Talon et Bellechasse, la Plaza St-Hubert regroupe environ 400 entreprises. Elle est spécialement connue pour ses nombreuses boutiques de robes de mariées et d'accessoires de mariage.

• 1954  Des commerçants de la rue St-Hubert créent une association de marchands pour préserver l'intégrité et la viabilité de leurs commerces face aux gros compétiteurs.

• 1959 Création de la Plaza St-Hubert

• 1973  Première édition de la vente trottoir annuelle de la Plaza St-Hubert

• 1981  Création de la Société de développement commercial de la Plaza St-Hubert, organisme regroupant l'ensemble des entreprises de l'artère commerciale

• 1984  Installation de la marquise sur les deux trottoirs de la rue Saint-Hubert sur une distance de 1,20 km

Photo Patrick Sanfaçon, La Presse

Joe Mayerouitch de la boutique Éva

Photo Patrick Sanfaçon, La Presse

La boutique de chaussures Semy