Les gens d'affaires de la région de Montréal sont tellement frustrés par la congestion et l'état des infrastructures qu'ils appuieraient une augmentation « raisonnable et progressive » de la taxe sur l'essence pour « permettre la mise en oeuvre de mesures urgentes et nécessaires au développement du transport collectif ».

Devant la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 76 sur la gouvernance des transports en commun, hier, le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc, a même suggéré que la future Autorité régionale des transports « amorce une sérieuse réflexion » en vue d'implanter une taxe kilométrique (un péage par kilomètre parcouru) pour financer l'entretien et le développement des réseaux.

« Le milieu des affaires lance un signal, un message fondamental, à l'effet qu'il est prêt à payer davantage de taxes et que les taxes payées soient davantage consacrées aux transports en commun. »

« Ça surprend des gens que le milieu des affaires tienne ce discours et cette position, ajoute-t-il. Mais c'est clair dans notre esprit - il n'y a aucun doute dans le milieu des affaires - qu'un déploiement efficace des transports collectifs dans la région de Montréal va améliorer la performance économique de la région en entier, et qu'il va améliorer le climat d'affaires pour les investissements et la création d'emplois ».

Frein à l'investissement

Selon M. Leblanc, la congestion et la multiplication des travaux d'infrastructure ont atteint un point où elles viennent spontanément au premier rang des préoccupations des gens d'affaires quand on demande ce qui pourrait constituer un frein à des investissements dans la région de Montréal.

« La plus grande frustration du milieu des affaires, présentement, affirme le président de la CCMM, c'est d'avoir l'impression que cette ville, ce lieu de création d'emplois est gelé dans la congestion. Quand un homme ou une femme d'affaires a de la difficulté à prédire s'il va pouvoir être à un rendez-vous, quand ils ont une rencontre avec une personne de l'étranger et qu'ils doivent passer les 15 premières minutes à expliquer ce qui se passe à Montréal au niveau de la congestion et des travaux publics, quelque part, cette réalité de la congestion, ça nuit au climat dans la négociation d'une entente commerciale. »

L'enjeu du financement

Le projet de loi 76, qui fait l'objet de consultations particulières depuis deux jours à l'Assemblée nationale du Québec, propose de réformer les structures de gouvernance des transports en commun dans l'ensemble du territoire métropolitain. Le projet de loi déposé par le ministre des Transports, Robert Poëti, créera deux nouvelles entités pour séparer les fonctions de planification et d'opération des services.

La CCMM appuie la réforme, qui simplifiera les déplacements des usagers, produira une grille de tarifs plus cohérente et permettra d'éviter plusieurs écueils qui ralentissent le développement de projets de transport, au point d'alimenter « un certain cynisme ».

M. Leblanc a toutefois souligné que ce projet de loi « ne parle peu ou pas du tout de l'enjeu du financement. À notre avis, c'est extrêmement prioritaire ».

Il a donc pressé le ministre à présenter rapidement un cadre financier, en l'invitant à considérer une augmentation de la taxe sur les carburants d'un cent par litre d'essence, par année, durant cinq ans.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

La congestion et la multiplication des travaux d’infrastructure à Montréal viennent spontanément au premier rang des préoccupations des gens d’affaires, selon Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.

À moyen terme, M. Leblanc estime toutefois que ces taxes doivent être remplacées par une taxe kilométrique, qui imposerait aux automobilistes un prix (de quelques cents) pour chaque kilomètre parcouru, en modulant ce coût en fonction des heures de circulation et du degré de congestion.

Selon lui, « une déclaration officielle à l'effet qu'on migrera dans tant d'années vers une taxe kilométrique permettrait à tout le monde de s'y préparer », lorsque la technologie nécessaire à son implantation sera offerte et fonctionnelle.

Un appui pour la banlieue

Le maire de Montréal et président de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), Denis Coderre, accueille favorablement le projet de loi 76 sur la réforme de la gouvernance des transports en commun. En commission parlementaire, hier, M. Coderre s'est toutefois rangé derrière les municipalités de banlieue pour réclamer une meilleure représentativité des élus. La réforme proposée par le ministre Poëti créera deux nouvelles entités. L'Autorité régionale des transports métropolitains planifiera les services, fixera les tarifs et signera des contrats de performance avec les sociétés de transport de Montréal, Longueuil et Laval, qui continueront d'assurer les services sur leur territoire respectif. Pour sa part, le Réseau de transport métropolitain fusionnera les 12 organismes responsables des services d'autobus dans plus de 60 municipalités des couronnes, et prendra aussi la responsabilité de l'exploitation des trains de banlieue.