Les nids-de-poule prolifèrent cette année à Montréal. La Ville en a réparé plus de 56 000 depuis le début de l'année; c'est 75% de plus que les 31 500 colmatés à la même période l'an dernier. Les trous dans la chaussée sont si nombreux que les employés affectés à leur colmatage en ont compté un tous les 14 mètres, en moyenne, à Montréal. Pis encore, la fréquence est à une moyenne de 4 mètres dans l'arrondissement de Saint-Laurent (234 par kilomètre de rue).

Secteur le plus touché, Saint-Laurent explique que la circulation de transit malmène durement ses artères, les voies de desserte des autoroutes (40, 15 et 13) étant particulièrement trouées. «On évalue qu'il y a 300 000 déplacements par jour, dont une importante partie provient des camions dans notre secteur industriel. Ça met une pression énorme sur notre réseau», dit Paul Lanctôt, porte-parole de l'arrondissement.

Les cycles de gel et de dégel des dernières semaines et le froid historique qui s'est installé à Montréal cet hiver sont à blâmer, selon le responsable des infrastructures de l'administration Coderre, Lionel Perez. Autre responsable: le sous-financement chronique dans la voirie. «Étant automobiliste et cycliste, je comprends la frustration des Montréalais et je la partage», a-t-il déclaré en entrevue. Il souligne que pour faire face au problème, le budget alloué aux nids-de-poule est passé de 1,5 million l'an dernier à 2,7 millions cette année. Normalement, il y a 5 à 6 opérations de colmatage annuellement à Montréal. Il y en aura entre 7 et 8 cette année, a indiqué M. Perez.

Par ailleurs, l'an prochain, le budget de resurfaçage passera de 1,5 million à 6 millions. «Il n'y a pas de pilule magique, il faut investir et faire les travaux de façon récurrente», dit M.Perez, qui estime que les Montréalais remarqueront les effets notables de son programme de réfection des rues d'ici deux ans.

Dur, dur pour les taxis

La multiplication des nids-de-poule à Montréal est particulièrement éprouvante pour les voitures de taxi. «Effectivement, il y a beaucoup plus de nids-de-poule que l'année dernière et, par conséquent, plus de réparations à faire sur les pneus et suspensions des voitures», confirme Raffi Artinian, directeur général adjoint de Taxi Diamond. Celui-ci trouve la situation à ce point dangereuse qu'il craint même qu'elle ne finisse par provoquer des accidents. «Aucun accident ne nous a été rapporté à cause des nids-de-poule, mais avec toutes les déviations provoquées par ces obstacles, ça ne devrait pas tarder.» L'entreprise espère que Montréal entreprendra sous peu un blitz pour colmater les trous dans la chaussée.

Des garagistes occupés

Les taxis ne sont pas les seuls à être touchés. Chez Pneu Sam Auto Service, garage de Montréal-Nord, on constate qu'il y a davantage de crevaisons cette année en raison des trous dans la chaussée. L'un des garagistes que La Presse a rencontré a raconté que c'est enrageant pour le client, mais aussi pour le garage quand les pneus sont encore garantis. «On n'a pas le choix de payer», a déploré Robert entre deux changements de pneus d'hiver pour des quatre-saisons.

Le tourisme à vélo

Les routes de Montréal font rire les touristes plus que jamais ce printemps, raconte Michel Deshaies, de l'entreprise Ça roule Montréal, qui offre des tours guidés aux touristes dans le centre de l'île. «On entend des commentaires dans le genre: «on a l'impression d'être sur des routes de l'Afghanistan». Ce genre de commentaires provient surtout de touristes des Pays-Bas, des gens habitués à rouler l'hiver.» M. Deshaies, dont le commerce a pignon sur la rue de la Commune Est, a lui-même observé des cols bleus revenir trois fois pour colmater des nids-de-poule devant son commerce. «C'était la troisième fois hier. Je leur ai fait remarquer que c'est à cause de la job qui est mal faite. Ils n'ont rien dit.»

Pas juste à Montréal...

Montréal est loin d'être la seule ville touchée. Le nombre de nids-de-poule rapportés à Drummondville a quadruplé cette année. En 2014, la ville avait reçu 97 requêtes pour faire colmater des trous lors des quatre premiers mois de l'année. Cette année, 412 requêtes lui ont déjà été faites. «Avec le froid qu'on a connu cet hiver, le gel a été profond. Il y a eu beaucoup de bris de conduites», dit Sophie Collard, porte-parole de Drummondville. La Ville s'est doté d'une application pour téléphone intelligent qui permet aux citoyens de rapporter les trous, ce qui pourrait expliquer la hausse des requêtes.

Réclamations possibles

Officiellement, le gouvernement et les villes sont dégagés de toute responsabilité en cas de dommages aux pneus et à la suspension des véhicules depuis 1993, mais obtenir un dédommagement après avoir frappé un nid-de-poule est toujours possible, assure CAA-Québec. Le fardeau de la preuve repose sur l'automobiliste, qui doit prouver que la situation avait été rapportée au préalable au responsable de l'entretien de la route et que celui-ci a été négligent à la corriger. Encore récemment, Montréal a été condamné à verser un peu plus de 900$ à une automobiliste qui avait dû remplacer le pare-chocs de sa voiture à cause d'un trou dans la chaussée. Le CAA-Québec offre quelques conseils sur son site internet pour obtenir gain de cause.

Frapper un nid-de-poule 101

Que faire (ou éviter de faire) en frappant un nid-de-poule? Voici les principaux conseils de CAA-Québec:

• Ne pas freiner: le fait de bloquer ses roues lorsqu'on s'engouffre dans un trou risque d'accentuer les dommages.

• Se cramponner: mieux vaut bien tenir le volant de son véhicule pour éviter d'en perdre la maîtrise.

• Ne pas zigzaguer: les coups de volant brusques risquent de provoquer un accident, mieux vaut tout simplement encaisser le choc.

• Faire vérifier sa voiture: après avoir frappé un nid-de-poule, mieux vaut faire vérifier l'alignement et l'équilibrage des roues afin de limiter l'usure prématurée des pneus ou même la suspension du véhicule.

• Signaler: C'est bien beau de se plaindre des trous dans la chaussée, mais mieux vaut les rapporter à la Ville ou au ministère des Transports pour les faire colmater.