Les rues et le réseau d'eau de Montréal, déjà dans un état lamentable, vont continuer de se détériorer si «un coup de barre» n'est pas donné rapidement, prévient le vérificateur général Jacques Bergeron.

«La Ville est presque à un point de non-retour: ça va être difficile de rattraper le temps perdu», a-t-il déclaré hier au conseil municipal, lors de la présentation officielle de son rapport 2012.

Devant les journalistes, il a ensuite été plus direct quant aux conséquences. «Pour la population, il va y avoir des problèmes, des bris, des fuites, des chaussées qui vont se détériorer. Il y a un déficit d'investissement qui est très important.»

Depuis 2002, la Ville a pratiquement triplé ses investissements pour la réfection de la voirie et du réseau d'eau, qui ont englouti 250 millions en 2011. Le hic, c'est qu'il en faudrait trois fois plus, soit 832 millions, pour simplement empêcher les infrastructures de se dégrader.

Conscient des limites de la Ville à imposer ses contribuables, M. Bergeron estime qu'on doit trouver des revenus additionnels auprès des gouvernements supérieurs. Mais il ne s'agit pas que d'un problème d'argent. «Non seulement le budget est insuffisant, mais on ne dépense même pas le budget déterminé en début d'année», affirme-t-il.

Les raisons, le vérificateur les donne en rafale, décrivant sans complaisance «le manque de contrôle, le manque de rigueur dans l'application des mécanismes, le manque de coordination, beaucoup de relâchement dans l'application des normes et des règlements. Et dans la plupart des dossiers, une absence évidente de reddition de comptes.»

Essentiellement, le vérificateur général et son équipe font le constat d'une administration municipale obligée de parer au plus pressé, d'investir dans des interventions urgentes, sans avoir dressé une stratégie globale.

Puisqu'il semble impossible de faire tous les travaux nécessaires, la solution serait de «définir le niveau de services» que s'engage à livrer l'administration municipale, a expliqué M. Duquette au conseil.

En réponse à une question du conseiller Richard Deschamps, M. Bergeron a enfoncé le clou: «Est-ce que les élus sont bien informés? La réponse est non. Il vous manque des informations importantes. L'information ne remonte pas jusqu'à vous, soit en ce qui concerne des délais qui sont dépassés, soit sur les coûts des projets qui sont plus élevés que prévu.»

«Un gérant d'estrade»

Le président du comité exécutif, Laurent Blanchard, a assuré avoir accueilli ces recommandations «avec humilité et ouverture». Il n'a pourtant pas tardé à malmener plusieurs constats du vérificateur général, qu'il a qualifié d'«observateur clinique et implacable, mais aussi un gérant d'estrade».

«On essaie, dans la mesure de nos moyens, de protéger les actifs de la Ville. Mais il y a des limites à la capacité de payer des Montréalais; c'est ce qui me semble absent du rapport.»

Il estime que les investissements dans le réseau d'eau se font de façon «satisfaisante», puisqu'on est passé de 42 millions en 2002 à 234 millions en 2012. Le pourcentage de fuites, évalué à 40% il y a une décennie, est maintenant de 33%. Même portrait pour la voirie, où les investissements sont passés de 82 à 234 millions.

Quant aux risques associés au sous-investissement dont fait état le rapport, il les décrit comme «théoriques». «Un constat de mauvais état ne signifie pas que c'est un état périlleux. Il nous prévient qu'il faudrait faire plus et mieux, on en convient.»