Le règlement interdisant le port d'un masque sans motif raisonnable à Montréal a finalement été adopté à toute vapeur, hier midi, par la majorité du conseil municipal, que détient le parti Union Montréal du maire Gérald Tremblay.

À compter de ce matin, soit après la publication du règlement dans les quotidiens, les manifestants devront indiquer leur trajet aux policiers sous peine de voir leur attroupement déclaré illégal. Ils n'auront plus le droit de porter un masque - ou un foulard, ou un masque à gaz - «sans motif raisonnable» et s'exposeront à une amende pouvant atteindre 3000$ en cas de récidive.

Tous les élus de l'opposition, notamment ceux de Vision Montréal, qui avaient appuyé l'initiative à ses débuts, ont voté contre. Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, a qualifié l'assemblée extraordinaire d'hier de «mascarade». La chef de l'opposition, Louise Harel, a notamment expliqué sa volte-face par le «grand flou» de ce règlement.

«Il est temps de reprendre nos rues, nos quartiers, nos villes», a plaidé le maire Tremblay. Il a répété plus d'une quinzaine de fois qu'il s'agissait de doter les policiers montréalais d'un «outil additionnel» pour prévenir les actes de violence et de vandalisme.

«C'est un règlement qui vise les casseurs, pour protéger notamment les personnes qui manifestent, les citoyens et les commerçants. On veut faire de la prévention, on veut être proactif.»

Inspiré de 2008

Le règlement se veut «un juste équilibre entre les impératifs de sécurité publique et le droit de manifester». En matinée, le directeur du Service de police de la Ville de Montréal, Marc Parent, avait reconnu qu'il donnait à ses agents des «pouvoirs exceptionnels» et promis qu'il serait appliqué avec «respect, transparence et discernement».

Interrogé sur les risques que les policiers abusent de ce nouveau pouvoir coercitif, le maire Tremblay a répliqué: «La garantie, c'est l'expérience, la compétence, le discernement de nos policiers.» Il a maintes fois donné l'exemple de manifestations légitimes, comme celles du 22 avril ou du 1er mai derniers, et assuré que «ce ne sont pas ces gens qui sont visés».

«Lorsque la cause est juste, que les intentions sont bonnes, pourquoi se cacher derrière un masque? On ne vise pas les rassemblements festifs ou les causes légitimes.»

Selon le président de la Commission de la sécurité publique, Claude Trudel, chargé il y a un mois de la rédaction du règlement, «on n'a pas réinventé le bouton à quatre trous: on s'est inspiré largement du règlement de 2008». À l'époque, le maire Tremblay avait annoncé l'abandon du règlement après un avis juridique selon lequel il serait vulnérable à une contestation judiciaire.

Le vice-président de la Commission, Réal Ménard, du parti de l'opposition Vision Montréal, a finalement voté contre le règlement. Il a notamment dénoncé la «terrible incohérence» entre les avis entendus devant la Commission et les précisions apportées par le SPVM dans la matinée.

Il craint surtout que ce règlement n'empêche dorénavant toute manifestation spontanée puisqu'il faut indiquer son itinéraire d'avance. Le SPVM s'est cependant fait rassurant en indiquant que cet avis pouvait être donné dans les minutes précédant la manifestation. La précision n'a pas convaincu M. Ménard.

«Opportuniste et honteux»

Sa chef, Louise Harel, estime que le libellé «est beaucoup trop vague, discrétionnaire, vaste». «On ne peut pas voter un règlement sur le discernement. On vote sur ce qui est proposé, et non pas sur la façon dont on souhaite que ça soit appliqué.»

Le chef de Projet Montréal, Richard Bergeron, qui a demandé en vain l'annulation de cette assemblée extraordinaire, qualifie quant à lui le règlement de «démagogique, opportuniste, honteux». «C'est une mascarade politique qui nous fait perdre notre dignité d'élus. Le présent règlement n'apporte rien de plus, sauf du spectacle.»

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Extraits du Règlement modifiant le Règlement sur la prévention des troubles de la paix, de la sécurité et de l'ordre publics, et sur l'utilisation du domaine public

2.1 Au préalable de sa tenue, le lieu exact et l'itinéraire, le cas échéant, d'une assemblée, d'un défilé ou autre attroupement doit être communiqué au directeur du Service de police ou à l'officier responsable.

3.2 Il est interdit à quiconque participe ou est présent à une assemblée, un défilé ou un attroupement sur le domaine public d'avoir le visage couvert sans motif raisonnable, notamment par un foulard, une cagoule ou un masque