Excluant une coalition, Michael Ignatieff s'est dit prêt à remplacer un éventuel gouvernement Harper minoritaire, dans l'hypothèse où il perdait la confiance de la Chambre des communes. L'aveu a donné des munitions au Parti conservateur.

Le chef du parti libéral s'est à nouveau fait questionner de près à ce sujet, lors d'une entrevue avec le chef d'antennes Peter Mansbridge, à CBC mardi. Dès le début de la campagne, M. Ignatieff a exclu la possibilité de former une coalition avec les autres partis de l'opposition, si son parti ne gagne pas les élections du 2 mai.

La cible des attaques des conservateurs à cet égard depuis plusieurs semaines, il a évité depuis d'entrer dans les détails sur ce qui arriverait dans le scénario précis où un gouvernement autre que le sien perdait la confiance de la Chambre.

La convention constitutionnelle canadienne veut que si la chute d'un gouvernement survient dans les mois suivants des élections générales, le gouverneur général puisse demander aux partis de l'opposition de tenter de s'entendre le remplacer.

Selon le Bloc québécois et le NPD, Stephen Harper aurait lui-même considéré cette possibilité en 2004, alors qu'il était chef de l'opposition face au premier ministre Paul Martin. Mais M. Harper qualifie aujourd'hui cette option d'illégitime. Il en fait l'un de ses principaux arguments, depuis le début de la campagne, pour convaincre les électeurs de lui donner un mandat majoritaire.

Pressé de questions à ce sujet par M. Mansbridge pendant près de cinq minutes, Michael Ignatieff a fini par expliquer sa position.

«Ok, parlons-en pour que tout soit clair, a-t-il dit. Si M. Harper gagne le plus grand nombre de sièges et forme le gouvernement, mais n'obtient pas la confiance de la Chambre (...), alors ça revient au gouverneur général. C'est ce qui arrive. C'est comme ça que les règles fonctionnent.»

«Alors, si le gouverneur veut demander aux autres partis ou à moi par exemple de tenter de former le gouvernement, alors nous tenterons de former le gouvernement», a poursuivi le chef libéral.

«Ce que je suis prêt à faire, a-t-il conclu, c'est de parler à M. Layton et à M. Duceppe ou même à M. Harper pour dire: regardez, nous avons un problème, ici. Voici le plan que je veux présenter au Parlement, voici le budget que je présenterais. Et nous verrions alors pour le reste.»

Michael Ignatieff n'a pas avancé de délai quant à cette hypothèse. Il a par ailleurs insisté pour dire aux électeurs qu'un vote pour son parti était un vote pour «un gouvernement libéral, formé de députés libéraux».

«Ce que j'essaie de dire aux Canadiens, c'est : je comprends les règles, je respecte les règles, je vais les suivre à la lettre et je ne formerai pas de coalition», a-t-il tranché.

Pour donner du poids à ses affirmations, il a rappelé que c'était lui qui, succédant à Stéphane Dion à la tête du Parti libéral à la fin de l'année 2008, avait décidé de se retirer de l'entente signée quelques semaines plus tôt par son prédécesseur avec le chef du NPD, Jack Layton, et celui du Bloc québécois, Gilles Duceppe, pour remplacer le gouvernement Harper.

«Je pourrais être assis ici et vous parler comme premier ministre, a fait remarquer M. Ignatieff. Mais j'ai choisi de ne pas le faire, parce que j'ai cru que ce n'était pas dans l'intérêt national.»

«L'ambition avant tout»

Dans un discours en anglais à Val-d'Or, en Abitibi, le chef conservateur a dénoncé les propos de son adversaire: «Ignatieff l'a dit à nouveau aujourd'hui. Même s'il perd les élections, il va s'asseoir avec le NPD et le Bloc pour tenter de former un gouvernement. Nous n'avons pas besoin de cela. Nous avons besoin d'un gouvernement conservateur majoritaire stable. »

Le Parti conservateur avait plus tôt publié un communiqué de presse portant en substance les mêmes accusations. «Michael Ignatieff, Jack Layton et Gilles Duceppe ont clairement énoncé leur plan de rejeter le budget que réintroduira Stephen Harper, a dénoncé le parti. Agir ainsi permettrait à Michael Ignatieff de devenir premier ministre avec l'appui du Bloc québécois et du NPD et leur permettrait de mettre en place leur plan pour augmenter les dépenses, les taxes et les impôts.»

Or, dans le document, les conservateurs ont modifié une citation de M. Ignatieff pour retirer la mention à M. Harper, quand le chef libéral affirme qu'il serait prêt à s'asseoir avec tous ses homologues pour régler un potentiel « problème ». Le parti n'a laissé que la mention à Jack Layton et à Gilles Duceppe.

- Avec Malorie Beauchemin.