«Soyez assurés que personne n'a cessé de penser aux gens de Mégantic», a déclaré le juge Gaétan Dumas après avoir lu ses directives au jury mercredi, au procès criminel sur le déraillement de train à Lac-Mégantic, lors duquel 47 personnes ont perdu la vie.

Il a tenu à adresser ces mots aux victimes de la tragédie.

Le juge Dumas a donné mercredi durant toute la journée ses instructions aux jurés, les avertissant qu'ils doivent rendre des verdicts sans sympathie ni préjugé envers les accusés, et sans tenir compte de l'opinion publique.

Le jury est désormais confiné pour toute la durée de ses délibérations secrètes.

Cette ultime étape du procès doit débuter jeudi matin au palais de justice de Sherbrooke.

Les jurés devront se prononcer sur la culpabilité des trois accusés, le chef de train Thomas Harding, le contrôleur ferroviaire Richard Labrie et le directeur des opérations de la Montreal Maine & Atlantique (MMA) au Québec, Jean Demaître.

Ils ont tous trois plaidé non coupables aux accusations de négligence criminelle causant la mort de 47 personnes.

Les verdicts possibles sont les suivants: les trois hommes peuvent être reconnus coupables ou non coupables de négligence criminelle causant la mort. Dans le cas de Thomas Harding, deux autres verdicts peuvent être prononcés: conduite dangereuse d'un équipement ferroviaire causant la mort et conduite dangereuse d'un équipement ferroviaire. Il s'agit d'infractions incluses dans celle de négligence criminelle.

Le 6 juillet, au petit matin, un convoi de 72 wagons de pétrole brut s'était mis en mouvement sans intervention humaine et avait dévalé la pente menant à Lac-Mégantic, explosant et rasant une partie du centre-ville de cette petite municipalité de l'Estrie.

Le juge Dumas, de la Cour supérieure, a offert mercredi ses directives - très détaillées et simultanément en français et en anglais.

Il a rappelé au jury qu'il doit rendre ses trois verdicts en se basant uniquement sur la preuve présentée dans la salle d'audience.

«Vous devez examiner la preuve et rendre votre décision sans préjugé, crainte ou sympathie. Vous ne devez pas tenir compte de l'opinion publique», a souligné le magistrat, dans cette affaire qui a fait les manchettes et qui a été suivie partout au pays.

Les verdicts doivent aussi être unanimes, a-t-il expliqué.

Le juge Dumas a aussi insisté sur une chose qu'il juge importante: il ne s'agit pas du procès de l'entreprise ferroviaire MMA qui exploitait le train, ni celui de ses dirigeants.

Il s'agit du procès des trois hommes accusés d'avoir été négligents de façon individuelle et indépendante entre le 4 et le 6 juillet 2013, a souligné le magistrat.

La MMA subira son procès criminel ultérieurement dans cette affaire.

Le juge a aussi détaillé certains principes du droit criminel: les accusés sont présumés innocents et c'est la Couronne qui a le fardeau de la preuve et qui doit démontrer leur culpabilité hors de tout doute raisonnable.

Les trois accusés n'ont pas à démontrer qu'ils sont innocents, a poursuivi le juge Dumas. En fait, ils n'ont rien à prouver.

De son côté, la Couronne n'a pas à démontrer que les trois hommes avaient l'intention de tuer les 47 victimes.

Comme il s'agit d'accusations de négligence criminelle, elle n'a qu'à prouver que leur comportement - leurs actes ou leurs omissions - constituait un écart marqué et important par rapport à celui d'une personne raisonnable occupant le même poste et se trouvant dans les mêmes circonstances.

Bref, pour être reconnus coupables, les accusés doivent avoir omis de faire quelque chose qu'ils avaient le devoir d'accomplir - et de par cela, avoir montré une insouciance déréglée ou téméraire à l'égard de la vie d'autrui, comme les habitants de Lac-Mégantic. Il faut aussi que leur comportement ait causé la mort des 47 personnes, a expliqué le juge Dumas.

Pas besoin que leurs actions ou omissions soient la seule cause des décès, a dit le juge. Mais cela «doit au moins être un facteur contributif».

En gros, il est reproché au chef de train Thomas Harding de ne pas avoir appliqué assez de freins à main et de ne pas les avoir testés avant de laisser le train sans surveillance pour la nuit, en haut d'une pente.

Quant à Richard Labrie et à Jean Demaître, il leur est reproché de ne pas avoir posé de questions pour s'assurer que le train était bien sécurisé et immobilisé après avoir été informés qu'un incendie s'était déclenché la veille du drame dans la locomotive de tête et que les pompiers avaient éteint son moteur, désactivant les freins à air.

Les deux hommes ont notamment plaidé qu'ils étaient en droit de se fier à M. Harding et de penser qu'il avait fait son travail comme il faut.

Il est impossible de savoir quand le jury va rendre ses verdicts.

Alors qu'ils étaient 14 jurés tout au long du procès, seulement 12 rendront un verdict. Deux personnes ont été pigées au hasard mercredi soir et sont rentrées chez elles.