La Commission d'examen des plaintes contre la police militaire (CPPM) s'est déjà penchée à deux reprises dans le passé sur la conduite des membres de la police militaire alors qu'ils accompagnaient les soldats des Forces armées canadiennes durant leur mission en Afghanistan.

La première enquête portait sur trois détenus afghans qui auraient subi des blessures après avoir été capturés par les soldats canadiens en avril 2006 dans la région de Kandahar. L'enquête a été ouverte après qu'un professeur de l'Université d'Ottawa, Amir Attaran, eut porté plainte, documents à l'appui. Il estimait que la police militaire n'avait pas enquêté de manière appropriée sur cette affaire ni fourni de soins médicaux adéquats.

Au terme de son enquête, en décembre 2008, la Commission a déterminé que les trois détenus avaient été bien traités par les policiers militaires. Elle a toutefois conclu que les policiers avaient omis de mener une enquête sur les causes des blessures d'un des détenus. La Commission soulignait que les policiers militaires avaient «plutôt succombé aux pressions exercées par la chaîne de commandement pour que le transfert des détenus afghans en général se fasse le plus rapidement possible. Cette façon d'agir à la hâte a aussi mené à l'inobservation d'importantes procédures relatives au transfert des détenus», peut-on lire dans le rapport de la CPPM.

À la suite de cette enquête, la Commission avait d'ailleurs recommandé que l'on examine «les moyens d'améliorer davantage l'indépendance de la police militaire ainsi que sa capacité de fournir des services de police professionnels aux Forces canadiennes».

Une enquête ponctuée d'obstacles

La Commission avait aussi jugé bon de faire une autre enquête après avoir reçu une plainte de la part de la section canadienne d'Amnistie internationale et de l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, en juin 2008.

Ces deux organisations soutenaient que certains officiers de la police militaire avaient manqué à leur devoir en omettant d'ouvrir une enquête sur les commandants de la Force opérationnelle du Canada en Afghanistan, qui auraient autorisé le transfert de détenus aux autorités afghanes en sachant qu'ils risquaient d'être torturés.

Ainsi, la plainte portait non pas sur le traitement des détenus afghans pendant qu'ils étaient sous la responsabilité des Forces armées canadiennes, mais bien sur leur sort après leur transfert aux autorités afghanes.

Au terme d'une enquête qui aura duré près de quatre ans, la CPPM a conclu que la plainte contre les huit officiers de la police militaire était «sans fondement», étant donné que la police militaire était «marginalisée» dans les discussions et les échanges portant sur le transfert des détenus afghans.

La Commission a aussi relevé que les rapports explosifs sur le mauvais traitement des détenus qui circulaient au ministère des Affaires étrangères n'ont été diffusés que dans un petit groupe de personnes. La police militaire ne faisait pas partie du groupe, avait constaté la CPPM.

«La Commission conclut, à la lumière de la preuve dans son ensemble, qu'aucun des huit officiers visés par la plainte n'avait pour devoir de lancer ou de réaliser une enquête sur les commandants de la Force opérationnelle pendant leur déploiement dans le théâtre des opérations. Elle conclut aussi que les actions des huit officiers, compte tenu des circonstances dans lesquelles ils se trouvaient, «respectaient la norme attendue d'un policier raisonnable» ».

Durant son enquête, la Commission a tout de même relevé «des problèmes sérieux» relativement aux communications, à la reddition de comptes et au partage de l'information au sein de la police militaire. Car la Commission s'est butée à de nombreux obstacles durant son enquête pour mettre la main sur les documents pertinents à l'affaire et pour avoir accès aux témoins.

Dans le cadre de cette enquête, la Commission a entendu une quarantaine de témoins, dont les huit officiers de la police militaire visés par la plainte. Elle a tenu 47 jours d'audience publique de 2008 à 2011 et examiné des milliers de pages de documents.

CONVENTION DE GENÈVE

Les Conventions de Genève sont des traités internationaux qui établissent les règles du droit humanitaire en cas de conflit armé. On y précise les obligations des soldats durant les conflits, la protection qui doit être accordée aux blessés et aux prisonniers de guerre de même qu'aux civils et à leurs biens. Le Canada est signataire des Conventions de Genève.

MANDAT DE LA POLICE MILITAIRE

La police militaire a comme mandat d'assurer « le respect des lois et des règlements » au sein des Forces armées et de la Réserve, que ce soit au pays, dans les bases des Forces armées canadiennes ou durant les missions des soldats canadiens à l'étranger. Elle est dirigée par le Grand Prévôt, qui rend des comptes à son supérieur direct, le vice-chef d'état-major des Forces armées canadiennes. Elle compte quelque 1250 membres à temps plein.

LE SERVICE NATIONAL DES ENQUÊTES (SNE)

Le Service national des enquêtes des Forces canadiennes est une unité de la police militaire. Il a pour mandat d'enquêter sur les dossiers « de nature grave et délicate touchant les biens et le personnel du ministère de la Défense nationale, ainsi que les membres des Forces armées canadiennes en service au Canada et dans le monde », peut-on lire sur le site du SNE.

COMMISSION D'EXAMEN DES PLAINTES CONCERNANT LA POLICE MILITAIRE

Créée en 1999 par le Parlement canadien, la CPPM a pour mandat de réviser les plaintes concernant la conduite d'un policier militaire et de faire enquête sur celles-ci. Elle peut aussi enquêter sur les allégations d'ingérence dans des enquêtes menées par des policiers militaires. Elle formule des recommandations et présente ses conclusions directement aux hauts dirigeants de la police militaire et de la Défense.

ENQUÊTE DE LA CPPM?

La porte-parole de la CPPM, Karen Flanagan McCarthy, a expliqué que les plaintes anonymes représentent « des défis significatifs » pour la Commission, car il est impossible de communiquer avec le plaignant pour déterminer s'il serait dans l'intérêt public de lancer une enquête sur des événements qui ont lieu au-delà du délai d'un an prévu pour déposer une telle plainte en vertu de l'article 250.2 de la Loi sur la défense nationale. Toutefois, aux termes de la loi, le président de la Commission peut décider, « à sa discrétion, qu'il est dans l'intérêt public d'instituer une enquête indépendante sur une plainte ». Michel Séguin, un ancien policier de la Gendarmerie royale du Canada, est le président par intérim de la Commission. Sur son site internet, la Commission précise d'ailleurs que les personnes désirant dénoncer des gestes condamnables « n'ont pas à présenter de preuve au soutien de leurs allégations lors du dépôt de leur plainte ».