Le premier ministre Stephen Harper se rendra en Montérégie afin de visiter la zone sinistrée par les inondations, une cinquantaine de jours après le début de la catastrophe.

M. Harper sera à Saint-Jean-sur-Richelieu lundi matin. Par la suite, il effectuera une tournée aérienne de la région.

Le gouvernement fédéral a été la cible de plusieurs critiques depuis le début de la catastrophe. Des sinistrés ont notamment été fâchés d'apprendre que les Forces canadiennes quitteraient la région avant l'opération de nettoyage.

Le temps qu'a pris M. Harper avant de décider de visiter la zone a aussi fait l'objet d'attaques politiques.

Mais selon Dimitri Soudas, directeur des communications du premier ministre, la Montérégie avait besoin d'aide concrète plutôt que de visites officielles.

«Ça n'a rien à faire avec la présence de politiciens, s'est-il vivement défendu. Le gouvernement a immédiatement répondu à l'appel du gouvernement du Québec.»

Malgré la diffusion par Québec d'une lettre embarrassante du ministre fédéral de la Sécurité publique, Vic Toews, expliquant que les Forces armées pourraient faire concurrence au secteur privé en appuyant le nettoyage de la zone, M. Soudas a fait valoir que les relations étaient bonnes entre les deux capitales.

«La collaboration entre le bureau du premier ministre Charest et le bureau du premier ministre Harper a été faite de façon très étroite et coordonnée, a-t-il plaidé. Je pense que tout le monde est d'accord sur le fait que les Forces armées canadiennes ont fait un travail exceptionnel.»

Dimitri Soudas a ajouté que le premier ministre Harper discutera lundi «de mesures pour minimiser l'impact de ce type de désastres».

Après sa visite, M. Harper retournera rapidement à Ottawa, où le budget de son ministre des Finances doit être présenté.

Les autorités optimistes

Par ailleurs, les autorités régionales de la Montérégie se sont dites optimistes, dimanche, sur le plan de la météo.

L'eau devrait baisser lentement dimanche et lundi, de quatre à dix centimètres en deux jours, a affirmé Guy Laroche, coordonnateur de la Sécurité publique.

Le niveau de la rivière Richelieu a perdu une trentaine de centimètres par rapport au record enregistré le 23 mai. Mais il doit encore diminuer de plus d'un mètre pour revenir à une hauteur normale pour le mois de juin, a indiqué M. Laroche.

Les vents légers de dimanche ne devraient pas avoir d'impact sur la crue.

Les autorités ont aussi abordé la grande corvée populaire de la fin de semaine prochaine, qualifiée de plus importante mobilisation bénévole de l'histoire du Québec.

Les volontaires devront s'équiper en prenant en compte le terrain où ils iront mettre la main à la pâte, a averti Stéphane Billette, député de Huntingdon. Des souliers de travail sont notamment conseillés.

L'eau des puits artésiens ne doit pas être consommée avant qu'un spécialiste n'ait analysé son contenu, ont rappelé les autorités, car elle pourrait être souillée par les inondations.

Camps de réfugiés à deux étoiles et demie

Entre-temps, les pires inondations du Québec sont en train de transformer certains hôtels régionaux en camps de réfugiés à deux étoiles et demie.

D'ici à ce que les eaux se retirent finalement pour rentrer dans le lit du Richelieu, des centaines de sinistrés continueront à vivre dans l'angoisse.

Plusieurs clients d'hôtels sont aux prises avec de l'insomnie et certains fondent régulièrement en larmes, a indiqué une personne évacuée. «Nous sommes démoralisés», a déclaré Éric Galipeau, dont la famille a été forcée de quitter leur maison de Saint-Blaise-sur-Richelieu.

«C'était un peu drôle au début, mais lorsque cela fait six semaines que vous passez dans un hôtel, cela devient un peu problématique.»

Les fondations de la maison des Galipeau se sont lézardées sous l'action de l'eau, la fournaise est inondée et le chauffe-eau a été poussé sur le côté.

La famille de M. Galipeau voyage pendant 30 minutes tous les jours, soit 20 minutes en voiture et 10 minutes en bottes de pluie montant jusqu'aux hanches, pour visiter leur maison. Elle s'y rend pour nourrir leurs deux chats et leurs deux pinsons.

M. Galipeau vit actuellement dans une chambre bondée du Holiday Inn Express avec sa femme, Nancy Hébert, et leur fils de 13 ans. Ils ont emmené leurs trois petits chiens avec eux à l'hôtel.

La maison familiale fait partie des près de 3000 demeures inondées depuis que l'eau a commencé à monter sur le Richelieu et dans le bassin du Lac Champlain, il y a plus de 40 jours.

Des liens se tissent

Cent cinquante familles évacuées se font actuellement payer leur séjour à l'hôtel par la Croix-Rouge canadienne. Au total, quelque 540 familles ont utilisé ce service au cours du printemps dans une poignée d'hôtels.

Alors que les évacués fréquentent les entrées d'hôtels et les restaurants, de nouvelles amitiés se sont développées parmi les déplacés qui ont face à des problèmes semblables.

Les dizaines de familles demeurant à l'hôtel de Saint-Jean-sur-Richelieu où dorment les Galipeau ont créé leur propre petite communauté.

M. Galipeau estime que la plupart des évacués à l'hôtel sont demeurés positifs, tandis que d'autres vacillent sous le poids psychologique de la perte de leurs maisons, peut-être pour de bon.

«Il y a beaucoup de personnes qui sont véritablement inquiètes», a dit M. Galipeau, dont la chambre est réservée à l'hôtel jusqu'au 18 juin - au moins. «Nous tentons de les calmer. Nous prenons tout ça une journée à la fois.»

Mme Hébert explique de son côté que les évacués échangent des idées et offrent des conseils.

«Les gens qui ne sont pas dans notre situation ne comprennent pas notre anxiété, ne comprennent pas le stress que nous subissons parce qu'il ne s'agit pas de leurs maisons qui se retrouvent sous l'eau», a déclaré la mère de famille, alors qu'elle fumait une cigarette à l'extérieur de l'hôtel avec sa nouvelle amie, Johanne Boucher.

Cette dernière, qui est arrivée à l'hôtel avec son conjoint il y a environ deux semaines, est contente d'avoir reçu de l'aide de la part de ses nouveaux amis et de la Croix-Rouge.

Les journées sont toutefois longues lorsqu'il y a peu à faire, excepté penser au long chemin à venir, même après le retour à la maison.

«La partie la plus difficile est l'inconnu; nous ne savons pas ce qui va se passer quand nous allons rentrer», a déclaré la résidante d'Henryville.

«Ce sont nos vies qui ont été dérobées.»

Quelques kilomètres plus loin sur l'autoroute, des dizaines d'évacués se rassemblent régulièrement pour les repas à l'hôtel Gouverneur, qui est devenu leur maison temporaire.

D'autres amitiés se sont développées dans l'hôtel, ainsi que de régulières soirées karaoké pour les victimes de l'inondation, organisées par des évacués eux-mêmes.

Environ 40 évacués ont assisté à la soirée inaugurale la semaine dernière, où ils ont chanté des chansons d'Engelbert Humperdinck et de Patsy Cline.

La soirée était organisée par les propriétaires de la machine, Yvon et Gitane Beaulieu, dont la maison sur le bord de l'eau à Saint-Blaise-sur-Richelieu est une perte totale.

«Cela aide les gens à oublier pendant quelques heures», a déclaré Gitane Beaulieu, qui a acheté la maison il y a 12 ans lorsque le couple a pris sa retraite.

Agée de 90 ans, Madeleine Roy tente de faire mauvaise fortune, bon coeur. Elle dit qu'elle aime bien rencontrer de nouveaux amis et apprécie le buffet gratuit mis à la disposition des sinistrés dans son hôtel-refuge. Toutefois, son cat Kitty, qui a été confié à la fille de Mme Roy, lui manque. Elle ne peut s'empêcher de montrer des photos de son animal à un visiteur. «Nous sommes bien traités, ici. Nous sommes pourris gâtés mais ce n'est pas mon propre foyer.»