Marc Saulnier est au rendez-vous à l'heure dite, au café Veritas, boulevard Saint-Laurent. Il tenait absolument à rencontrer La Presse avant qu'on étale de nouveau ses faits d'armes peu glorieux dans le journal.

Jeune et costaud, bien mis, Saulnier a toutes les allures d'un dynamique entrepreneur en construction. Il est le reflet de son entreprise de coffrage: en 12 ans, Fondations Marc Saulnier a été catapulté parmi les 15 plus grandes firmes de l'industrie au Québec. Aujourd'hui, elle compte 375 employés à temps plein et son chiffre d'affaires dépasse les 50 millions de dollars par an.

Cet échafaudage risque toutefois de s'effondrer si Marc Saulnier perd son procès, prévu le 3 décembre. L'entrepreneur de Lavaltrie est accusé d'avoir frappé l'un de ses concurrents au cours d'un gala de boxe, en novembre 2010. Il aurait voulu lui passer un message, selon ce qu'a rapporté La Presse à l'époque. Ce méfait pourrait lui faire perdre sa licence de la Régie du bâtiment du Québec, qui fait enquête.

Marc Saulnier dit ne pouvoir commenter l'affaire, pour ne pas nuire à sa cause. Toutefois, il ne considère pas le plaignant comme son concurrent. «Je n'ai pas besoin de mettre de pression sur personne pour avoir de l'ouvrage. Je refuse des jobs, dit l'entrepreneur de 35 ans.

«S'il y a une justice au Québec, [les autorités] ne peuvent pas enlever une entreprise à un gars comme moi, qui montre maintenant patte blanche dans tout», dit l'entrepreneur.

Marc Saulnier reconnaît avoir été l'associé de deux membres influents des Hells Angels au cours des années 2000. Mario Brouillette, arrêté en 2006 pour importation massive de cocaïne, était depuis 2003 l'un des actionnaires de son entreprise Gazonnière Marc Saulnier et du gym Vita-Forme, à Lavaltrie.

«J'étais content de dire que je connaissais Brouillette, j'entrais dans les bars sans payer de cover charge. J'étais conscient que c'était un Hells. Brouillette sortait de prison à l'époque et avait un jeune fils, à qui il voulait donner la chance qu'il n'a pas eue», raconte Marc Saulnier.

Il attribue cette association à «une erreur de jeunesse» - il n'avait que 23 ans à l'époque. En 2005, Saulnier s'est associé à un autre membre influent des Hells, David Rouleau, sur les recommandations de Mario Brouillette.

Le trio Saulnier-Brouillette-Rouleau devient ainsi actionnaire à parts égales de la gazonnière. «Je voulais vendre cette entreprise, mais Brouillette n'avait pas d'argent pour racheter ma part. Il m'a présenté David Rouleau, dont le frère venait de gagner à la loterie», explique Marc Saulnier, qui affirme que les deux partenaires n'ont jamais été actionnaires de son entreprise de coffrage.

En 2006, Brouillette et ses complices se font arrêter. La police saisit 420 kg de cocaïne et des dizaines d'armes à feu, dont une AK-47. Marc Saulnier affirme qu'il ne connaissait pas les activités parallèles de Brouillette. David Rouleau s'est fait arrêter à son tour en avril 2009 dans une vaste opération de la SQ contre les Hells.

Marc Saulnier dit que, dès les arrestations de 2006, il a décidé de rompre ses relations avec les deux Hells. Il a racheté les actions de Brouillette dans le gym et vendu la gazonnière à David Rouleau, explique-t-il.

Accréditation retirée

Il n'a cependant pas complètement rompu ses relations avec David Rouleau puisque ce dernier lui doit encore une partie de la «balance de vente» que Saulnier lui a accordée en 2006. Il dit qu'il négocie avec l'ex-conjointe de Rouleau.

«Je ne suis pas fier de cette association [avec les deux Hells]. Si c'était à refaire, je prendrais un autre chemin. Je n'avais pas la maturité que j'ai aujourd'hui. Cette association ne m'a pas rendu la vie facile. C'est une erreur de jeunesse et j'en paie encore le prix», dit-il.

Récemment, le CAA-Québec lui a retiré son accréditation à cause de l'enquête de la RBQ. Et au cours des années 2000, son association passée avec les deux Hells a poussé le fisc à examiner ses affaires, dit-il. «Malgré les milliers d'heures de vérification, ils n'ont rien trouvé, sauf une petite affaire avec mon Hummer, qui était considéré comme un avantage imposable», affirme M. Saulnier.

Croissance exponentielle

Marc Saulnier a quitté l'école à 15 ans. En 2000, il a lancé son entreprise en rachetant une PME de coffrage. Il a eu l'appui de son père, entrepreneur qui aurait déjà travaillé pour la SQ. L'acquisition a été faite grâce à un acompte de 25 000$ et à un prêt de 150 000$ consenti par une caisse populaire Desjardins. Il a rencontré Brouillette au gym en 2003, alors qu'il sortait de prison pour une affaire de complicité pour meurtres.

Depuis ses débuts, son entreprise connaît une croissance exponentielle, ce qui soulève des questions dans l'industrie. Saulnier soutient qu'il est plus fort que la concurrence parce qu'il travaille avec des équipements à la fine pointe de la technologie, comme des stations robotisées pour l'arpentage, et parce qu'il fait des travaux de qualité. Il affirme qu'il n'a jamais eu recours aux fausses factures et se dit d'accord «pour que le gouvernement mette de l'ordre dans l'industrie, parce que ceux qui produisent de fausses factures nous font concurrence indûment».