Même s'il a été arrêté pour corruption au moment où il était titulaire du controversé contrat de déneigement de Mascouche, l'entrepreneur Normand Trudel continue, grâce à son fils, de bénéficier indirectement des fonds municipaux destinés à l'enlèvement de la neige. Simon Trudel a pris la relève de son père et s'est engagé à le payer pour l'utilisation de ses équipements.

Selon des documents de soumission obtenus par La Presse, Simon Trudel s'est engagé en juin à payer près de 16 000$ par mois à l'entreprise de son père, Normand, en échange de la location des camions et des chasse-neige qui ont été nécessaires pour remporter un contrat de déneigement d'une durée de trois ans.

Rappelons que, en 2011, La Presse avait révélé que TEM, l'entreprise de Normand Trudel, facturait jusqu'à 65 fois plus que le prix courant pour déneiger les bornes d'incendie de Mascouche.

En avril dernier, l'escouade Marteau a arrêté Normand Trudel pour fraude, abus de confiance et versement de pots-de-vin visant l'obtention de contrats municipaux. L'entreprise TEM a également été accusée au criminel.

Depuis, la Ville de Mascouche a confié le déneigement des bornes d'incendie à ses cols bleus, mais elle cherchait tout de même de nouveaux entrepreneurs pour déneiger les voies publiques. Le territoire a été divisé en cinq zones, et les entreprises ont été invitées à soumissionner pour chacune d'elles.

L'un des critères de sélection était l'expérience des firmes. Dans la zone 5, la firme Neigexpert, qui possède pourtant plusieurs années d'expérience en déneigement à Montréal et à Laval, aurait été disqualifiée sur la base de ce critère. «L'information qu'on a eue, c'est qu'on l'excluait parce qu'elle n'avait pas assez d'expérience», explique le conseiller municipal Jacques Tremblay.

Contrat de 3,8 millions

Dans la zone 2, l'une des plus payantes, il n'y avait qu'un seul soumissionnaire, une nouvelle entreprise nommée Construction Axika. Axika a été créée le 30 avril dernier, deux semaines seulement après l'arrestation de Normand Trudel. Elle est dirigée par son fils, Simon Trudel. Elle loge à la même adresse et utilise le même numéro de téléphone que TEM, l'entreprise du père.

À première vue, la toute jeune Axika semblait avoir encore moins d'expérience que Neigexpert. Mais Axika a fait valoir que ses employés et ses dirigeants avaient acquis leur savoir-faire en travaillant pour TEM pendant des années.

Lundi, le conseil municipal lui a donc attribué le contrat, d'une valeur de 3,8 millions pour trois ans.

Joint par La Presse, Simon Trudel s'est dit indépendant de TEM. «C'est mon père, oui, mais j'ai ma compagnie à moi, ce n'est pas la même compagnie», a-t-il souligné.

Interrogé sur les documents du contrat qui parlent d'un versement mensuel d'environ 16 000$ à son père, il a contredit sa propre soumission. «J'ai mes camions, je les ai achetés», a-t-il assuré, avant de mettre fin à la conversation.

L'opposition, elle, trouve étrange qu'une entreprise ait été exclue pour manque d'expérience malgré ses années de service à Montréal, alors qu'Axica a pu se qualifier en utilisant à son compte l'expérience de TEM, une entreprise distincte.

«Comment se fait-il qu'on accorde de l'expérience à Axica alors que l'expérience concerne des contrats réalisés par une autre entreprise? C'est un contrat important pour la population et on attend toujours des réponses de l'administration en place», a déclaré Stéphane Handfield, chef du parti de l'opposition Vision démocratique de Mascouche.

Le directeur général de la Ville n'était pas disponible pour commenter le dossier, hier. Une porte-parole nous a envoyé un communiqué dans lequel la Ville se félicite d'une diminution de 12% des coûts de déneigement à partir de cette année.