Dans la lutte contre la corruption et la collusion, policiers, fonctionnaires municipaux, associations syndicales et journalistes partagent une préoccupation commune: protéger les dénonciateurs. C'est ce qui frappe à la lecture des 72 mémoires déposés à la commission Charbonneau, qui reprend ses audiences publiques la semaine prochaine.

La protection des lanceurs d'alerte est d'ailleurs la toute première recommandation du commissaire à la lutte contre la corruption, Robert Lafrenière.

Dans son mémoire, il recommande l'adoption de mesures législatives qui immunisent le dénonciateur contre toute poursuite ou réclamation liée à sa dénonciation lorsque celle-ci est faite de bonne foi.

«Une lutte efficace contre la corruption a besoin de dénonciateurs. La dénonciation peut provenir d'un simple citoyen qui, flairant la magouille, porte plainte à l'UPAC. Généralement, cependant, le dénonciateur est souvent près des participants à l'infraction, s'il n'en fait pas lui même partie», note le commissaire Lafrenière.

Ce dernier souligne que certains collaborateurs des enquêtes de fraude, de collusion ou de corruption font actuellement l'objet de poursuites civiles, déontologiques ou fiscales.

«La multiplication des recours a un effet dissuasif sur les dénonciations», poursuit-il.

Peur de perdre son emploi

La Fédération des associations de cadres municipaux du Québec souligne de son côté que les fonctionnaires craignent de dénoncer les actes répréhensibles de peur de perdre leur emploi.

«Au cours des 15 dernières années, plusieurs de nos membres qui ont tenté de s'opposer à ces malversations ont été réduits au silence et ont souvent vu leur carrière brisée», peut-on lire dans son mémoire intitulé Le poids du silence: pour une réelle protection du dénonciateur.

«En fait, le cadre est isolé. S'il se rebiffe ou refuse d'agir lorsqu'on lui demande d'agir illégalement, notre expérience nous démontre qu'il devient alors une cible et peut faire l'objet d'une multitude de représailles, pouvant aller de la réprimande à la destitution.»

Le mémoire de l'Alliance des professionnels et professionnelles de la Ville de Québec est aussi centré sur la protection des délateurs. Elle recommande la mise sur pied d'une ligne téléphonique de dénonciation unique pour l'ensemble des employés municipaux gérée par une entité provinciale indépendante.

Le Syndicat des professionnelles et professionnels municipaux de Montréal suggère aussi la création d'un mécanisme de signalement assorti de mesures de protection.

Sources journalistiques

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec recommande pour sa part que le gouvernement du Québec se dote d'une loi pour protéger les lanceurs d'alerte qui servent de sources aux journalistes, et ce, tant dans le secteur privé que le secteur public.

«Les lanceurs d'alerte ne sont pas protégés dans l'appareil étatique. Pire! Ils sont traqués lorsqu'ils osent fournir des informations anonymes aux journalistes, sous prétexte qu'ils ont contrevenu à leurs obligations de loyauté en divulguant des informations sensibles», écrivent les auteurs du mémoire Pierre Craig, le président de la FPJQ, et Brian Myles, du quotidien Le Devoir.

La commission Charbonneau contactera au cours des prochaines semaines les groupes qu'elle souhaite entendre en audience publique.

Les groupes qui se sont inscrits comme «parties intéressées», comme l'Ordre des ingénieurs, le directeur général des élections du Québec ou la FTQ-Construction, ont jusqu'à la fin des audiences de la Commission pour déposer leurs mémoires.