Plusieurs milliers de personnes ont participé à la Marche pour la vérité et la réconciliation dans les rues du centre-ville de Montréal, jeudi après-midi, en soutien à la lutte contre le racisme envers les Premières Nations.

Réunis vers 13 h à la Place du Canada, les marcheurs ont entendu quelques discours avant d’emprunter le boulevard René-Lévesque.

« Nous sommes ici pour honorer la mémoire des enfants que le gouvernement a forcés à aller dans les pensionnats autochtones, et qui ne sont jamais revenus », a lancé Ellen Gabriel, militante et artiste mohawk de Kanesatake, sous les applaudissements de la foule.

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La militante Ellen Gabriel

« Pendant des décennies, les parents de ces enfants ont essayé d’avoir votre attention. Ils ont essayé d’avoir l’attention du gouvernement. Aujourd’hui, c’est le fait de trouver les dépouilles des enfants qui ne sont jamais revenus à la maison qui a capté votre attention. »

C’est en soutien aux familles endeuillées que les participants ont pris part à l’évènement, a-t-elle dit. « À Kanesatake, d’où je viens, onze enfants ne sont jamais rentrés à la maison. Onze enfants qui ont été battus et torturés par des gens qui devaient prendre soin d’eux. On leur a dit qu’ils étaient des "maudits sauvages". Il y a encore des gens aujourd’hui qui nous traitent de "maudits sauvages" ».

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Une mère autochtone est venue du micro raconter la vie de sa propre mère, qui a passé sept ans dans un pensionnat. « Ma mère m’a expliqué comment les religieux lui plongeaient les mains dans l’eau bouillante dans le but de "chasser l’indien", a-t-elle dit. Ce n’était pas un secret. Le gouvernement était au courant, les gens étaient au courant, mais personne n’a essayé d’arrêter ça. »

Co-organisée par le Foyer pour femmes autochtones, la marche s’est rendue jusqu’à la Place des Arts, et s’est déroulée sous escorte policière. Plusieurs participants étaient vêtus d’un chandail orange en hommage aux générations d’enfants victimes du régime des pensionnats autochtones et à leurs familles.

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Émily Fleming-Dubuc était venue avec sa fille Alexa, 5 ans, pour prendre part à l’évènement, qui se déroulait dans le cadre de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Elle-même autochtone, elle dit vivre du racisme régulièrement.

« Je suis très active sur les réseaux sociaux, et des gens me traitent de "squaw", et me disent de "payer mes taxes", dit-elle. Même à l’école, un professeur nous appelle "les Indiens". Ce sont des choses que l’on vit. Je suis ici aujourd’hui, car je ne veux pas que ma fille vive la même chose, il faut briser le cycle du racisme. »

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Arnatuq, 17 ans, un étudiant Inuk originaire du nord du Québec qui habite Montréal pour ses études, marchait à la mémoire des enfants morts dans les pensionnats. Il dit lui-même vivre du racisme à Montréal. « Quand j’entre dans un restaurant, je peux tout de suite voir dans le regard des gens que je ne suis pas le bienvenu. Ce n’est pas seulement à Montréal, c’est comme ça partout au pays. »

Au total, quelque 150 000 enfants autochtones ont été placés de force dans 139 pensionnats partout au Canada, où ils ont été coupés de leur famille, de leur langue et de leur culture. En 2015, une commission nationale d’enquête a qualifié ce système de « génocide culturel ». Il est difficile de savoir combien d’enfants y ont péri ; des groupes autochtones se rallient autour du nombre de 6509 enfants. Le dernier pensionnat autochtone a fermé ses portes en 1996.

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