L’annonce concernant l’ajout de deux nouveaux tronçons au projet du Réseau express métropolitain (REM) est une excellente façon de conclure cette année difficile.

Mardi, tout le monde avait le sourire fendu jusqu’aux oreilles. La mairesse Valérie Plante n’a pas cessé de louanger le gouvernement de François Legault qui est venu faire cette annonce avec son ministre des Transports, François Bonnardel, et sa ministre responsable de la métropole, Chantal Rouleau.

Charles Edmond, président et chef des opérations à la Caisse de dépôt et placement, était également présent.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Une voiture du REM

Bref, les superlatifs se multipliaient pour présenter ce projet d’envergure qui aura un impact majeur sur la vie des Montréalais et sur le développement du territoire, particulièrement celui de l’est de la ville.

Quant au tronçon qui montera vers le nord jusqu’au cégep Marie-Victorin, il jouera en partie le rôle souhaité par Valérie Plante avec son projet de ligne rose.

La mairesse de Montréal n’a pas caché qu’elle avait souhaité au départ un projet de tramway. Mais les responsables du projet de REM sont arrivés à la conclusion qu’un train léger, mi-souterrain, mi-surélevé, était la meilleure solution, notamment à cause de sa plus grande rapidité (un train léger peut rouler jusqu’à 45 km/h alors que la vitesse maximale du tramway est de 20 km/h).

Sur le plan environnemental, les gains envisagés sont ambitieux. On parle d’épargner 35 000 tonnes de gaz à effet de serre (GES) par année.

En ce qui a trait à la diminution du nombre d’automobilistes, les projections demeurent difficiles à cerner à une décennie de la mise en marche du projet.

Une fois terminée, en 2029, la seconde phase du REM changera complètement la façon de nous déplacer dans la ville. Mais aussi, la manière de nous approprier ce vaste territoire hétéroclite. Sans nous en rendre compte, nous vivons souvent en vase clos. Le REM, combiné aux autres moyens de transport collectif, brisera ces frontières.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le tronçon qui montera vers le nord jusqu’au cégep Marie-Victorin jouera en partie le rôle souhaité par Valérie Plante avec son projet de ligne rose.

Et puis, le REM nous donnera une nouvelle la perspective de la ville. Chantal Rouleau donnait l’exemple de la vue que nous aurons sur le fleuve lorsque nous serons dans le train qui longera la rue Notre-Dame.

Ce projet est hautement nécessaire et fera davantage plonger Montréal dans le XXIsiècle. Cela dit, il demeure bourré de défis de taille.

Tant et aussi longtemps que le tracé du REM est érigé le long des autoroutes et traverse les parcs industriels, ça va. Mais un tronçon qui se retrouve en plein cœur du centre-ville, comme ça sera le cas avec celui qui partira du boulevard Robert-Bourassa pour rejoindre le secteur de l’Est en empruntant le boulevard René-Lévesque, c’est une autre paire de manches.

Est-ce que ce tronçon défigurera la ville ? C’est le grand danger de ce projet.

Pour le moment, il est difficile d’imaginer comment une voie double en béton, érigée à cinq mètres du sol, peut être harmonieusement intégrée au boulevard René-Lévesque sans modifier considérablement son visage.

On nous a montré mardi des exemples internationaux de tracés et de stations qui avaient une signature artistique. Il est à souhaiter que le comité architectural chargé de cette mission pour Montréal soit à la hauteur.

Pour ce qui est de l’intégration des structures aériennes au paysage urbain, ce rôle reviendra à la Ville de Montréal, qui aura la responsabilité d’imaginer des espaces, des parcs et des lieux publics qui assureront un trait d’union entre les structures et la ville.

Il y a aussi évidemment la question des coûts. Comment s’assurer que ce projet titanesque respectera le budget de 10 milliards qui lui est consacré ? Questionné à ce sujet mardi, lors du breffage technique, Jean-Marc Arbaud, directeur général de CDPQ Infra, patinait un peu.

Pour le moment, la Caisse de dépôt et placement assumerait 50 % de la somme, alors que Québec et Ottawa se partageraient le reste en parts égales.

Et puis, il y a la question de ce qu’on appelle « l’acceptabilité sociale ». Un train vers l’est va inévitablement créer un boum immobilier, économique et industriel dans ce secteur.

Comment éviter un déséquilibre brutal aux citoyens qui y vivent déjà ?

Le but est de revitaliser ce secteur sans nuire davantage à une classe sociale habituée depuis des décennies à une certaine réalité. C’est là que le programme 20-20-20 pour la construction de logements sociaux et communautaires devient important et qu’il a besoin d’être respecté.

Autre aspect non négligeable, ce projet audacieux rencontrera le succès s’il est bien arrimé à l’ensemble de l’écosystème de transport collectif de Montréal. De quelle façon le REM, le métro, le réseau d’autobus, les pistes cyclables et tous les autres moyens de transport seront-ils reliés pour combler les besoins des Montréalais et des visiteurs ?

Pour le moment, cette nouvelle composante du REM semble s’ajouter à un projet structurant et solide. Elle est remplie de promesses. Et elle fait rêver.

Mais je terminerai quand même en jouant les trouble-fête. Ceux qui croyaient que le centre-ville allait enfin se débarrasser des cônes orange devront prendre leur mal en patience.

Ou le surélever au-dessus des rues pour les 10 prochaines années en attendant de pouvoir se laisser glisser sur les voies du REM.