Il est (peut-être) venu le temps des cathédrales pour les maçons d'ici. L'industrie québécoise de la maçonnerie veut offrir des dizaines d'ouvriers au mégaprojet de reconstruction de Notre-Dame de Paris, a appris La Presse.

Une quarantaine de maçons du Québec pourraient travailler dans la capitale française pour chacun des cinq prochains hivers, si le projet de l'Association des employeurs en maçonnerie du Québec (AEMQ) se réalise. La première brigade devrait être prête à entrer en action dès l'automne terminé.

L'idée est portée par l'AEMQ, mais émane d'Atwill-Morin, un entrepreneur qui compte 550 employés et qui a notamment travaillé sur la restauration des parlements provincial et fédéral, ainsi que de l'hôtel de ville de Montréal.

En voyant la cathédrale brûler, mi-avril, « j'ai eu mal au coeur, bien honnêtement, j'ai eu de la peine, se rappelle Matthew Atwill-Morin, patron de l'entreprise familiale. C'est un monument historique qui est d'une beauté spéciale, splendide. [...] C'était catastrophique. »

« Presque immédiatement, dans la semaine qui a suivi, on a commencé à communiquer avec des gens pour voir comment on pourrait contribuer avec notre expertise locale à la restauration de ce joyau. »

- Matthew Atwill-Morin, patron d'Atwill-Morin

À Paris, le président français Emmanuel Macron a rapidement annoncé une reconstruction de Notre-Dame. « Nous rebâtirons la cathédrale plus belle encore et je veux que ce soit achevé d'ici cinq années », avait-il déclaré. Dans les heures qui ont suivi l'incendie, 800 millions d'euros (1,1 milliard de dollars) ont été promis par de grandes fortunes françaises.

Parallèlement, le premier ministre du Québec, François Legault, a expliqué publiquement qu'il souhaitait trouver une façon pour le Québec de soutenir la restauration du bâtiment quasi millénaire. « Si le Québec peut apporter une contribution, on est plus qu'ouvert, avait-il déclaré le lendemain de l'incendie. [...] Si on peut aider de quelque façon que ce soit, pour moi, c'est important dans ma qualité de vie qu'on revoie cette cathédrale. »

Pas de problème de recrutement

C'est à cet appel que veulent répondre l'AEMQ et Atwill-Morin avec leur projet de brigade de maçons du Québec.

« On est là pour offrir notre aide », a indiqué Martin Cormier, directeur général de l'AEMQ.

L'Europe compte évidemment son lot de maçons, mais une quarantaine de paires de bras supplémentaires pourraient bien s'avérer nécessaires, selon les premiers contacts informels effectués par les deux hommes.

« L'industrie française de la maçonnerie n'attendait pas un désastre comme ça. On parle d'un ouvrage d'une taille immense », a fait valoir M. Atwill-Morin.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Matthew Atwill-Morin, patron d'Atwill-Morin

« C'est quand même un travail colossal qu'ils veulent faire dans un délai assez court. C'est assez ambitieux. En même temps, le bâtiment est inscrit au Patrimoine mondial de l'UNESCO [...] alors ils ne voudront pas n'importe qui. »

- Martin Cormier, directeur général de l'AEMQ

L'hypothèse de travail est actuellement de 40 maçons québécois par hiver, mais « ça peut être 30, ça peut être 40, ça peut être 50 », a ajouté M. Cormier.

L'hiver étant une période virtuellement morte dans le domaine de la maçonnerie, le recrutement ne serait pas un problème, selon M. Atwill-Morin. Aider à reconstruire un chef-d'oeuvre de l'architecture comme Notre-Dame de Paris est une expérience professionnelle difficile à refuser pour un passionné des pierres et du mortier. Avec une expérience professionnellement enrichissante à la clé.

Les deux hommes ne veulent pas s'avancer sur les coûts que pourrait engendrer l'envoi de telles équipes dans une ville comme Paris hiver après hiver. Ils ne veulent pas non plus indiquer d'où proviendrait l'argent. Trop tôt, disent-ils. Aucune demande de subvention n'est faite pour l'instant. Ils demandent simplement à Québec de faire le pont avec le gouvernement français et d'appuyer l'idée.

Sécurisation et stabilisation

Des dizaines d'ouvriers oeuvrent déjà sur Notre-Dame de Paris, mais n'effectuent pour le moment que des travaux de sécurisation et de stabilisation. Les appels d'offres pour la reconstruction devraient être publiés à l'automne, selon la presse française.

Quant aux détracteurs qui souligneraient que d'autres pays ont peut-être davantage besoin des maçons québécois que la France, Martin Cormier souligne que, par hasard, quelques semaines avant l'incendie de Notre-Dame, l'AEMQ créait l'organisation Maçons sans frontières.

« On va essayer d'aller aider des pays en émergence ou en développement, a-t-il expliqué. Mais on ne veut pas arriver là avec nos gros sabots et nos matériaux : le but, c'est de montrer des techniques pour qu'ensuite les gens soient autonomes. »

PHOTO STÉPHANE DE SAKUTIN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Les appels d'offres pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris devraient être publiés à l'automne, selon la presse française.