« Je fais ce travail depuis plus de neuf ans. Je n'ai jamais vu autant de sang. Même pas proche », lance Jason Tremblay, en repassant les images dans sa tête.

Natif de Brossard, sur la Rive-Sud de Montréal, mais installé avec sa famille depuis longtemps en Ontario, le paramédical a été appelé d'urgence sur la scène de l'attentat à la bombe qui venait de secouer un restaurant indien bondé de Mississauga, en banlieue de Toronto, jeudi.

L'appel est entré vers 22 h 30. Une explosion au restaurant Bombay Bhel. Peu de détails. On lui demandait de se précipiter sur place, comme à plus d'une vingtaine de ses collègues.

« Ils ne savaient pas vraiment ce qui s'était passé. Au début, il était question d'une personne blessée, puis de 4, puis de 8, puis de 12 ! Il y avait finalement une quinzaine de blessés », a-t-il raconté en entrevue avec La Presse samedi.

FRAGMENTS, SHRAPNELS, VITRE

Jason Tremblay était le troisième intervenant médical d'urgence arrivé devant la scène du crime jeudi. Dans le stationnement du petit centre commercial où les gens émergeaient en masse du restaurant, deux de ses collègues avaient déjà commencé le triage des blessés ensanglantés, à l'aide d'un code de couleurs.

Rouge pour les « urgences immédiates ». Jaune pour les urgences tout court. Vert pour ceux qui avaient besoin de soins, mais pouvaient attendre un peu.

« Dans les cas comme ça, c'est la première personne arrivée qui reste sur place et qui nous dirige. Les deux premiers paramédicaux arrivés sur place ont tout organisé. C'était un chaos organisé. Ils ont fait le meilleur travail que j'aurais pu imaginer. »

- Jason Tremblay

« Il y avait beaucoup de fragments, de shrapnels, de vitre qui avait explosé tout partout. C'étaient donc surtout des blessures traumatiques superficielles aux membres, les bras et les jambes. Mais il y avait quelques blessures abdominales. C'était la priorité. Les personnes ont été envoyées au centre de traumatologie », raconte-t-il.

« On s'entraîne pour les incidents à victimes multiples, comme un accident d'autobus ou un écrasement d'avion. Mais on n'a jamais pratiqué un scénario d'explosion de cette ampleur », raconte le paramédical. La dame qu'il a transportée à l'hôpital était blessée à une jambe. Elle est maintenant hors de danger.

SOUS HAUTE SURVEILLANCE

Heureusement, personne n'a perdu la vie parmi les 40 personnes qui se trouvaient dans le restaurant lorsque des suspects encapuchonnés y ont fait irruption avec une bombe. Et aucun des enfants présents n'a été blessé. Du moins sur le plan physique.

L'enquête se poursuivait hier, et des agents en combinaison blanche ont passé une partie de la journée à entrer dans le restaurant et à en sortir. Un poste de commandement mobile avait été installé derrière l'établissement.

Tout autour, dans les autres commerces, la vie reprenait son cours. Mais les lieux demeuraient sous haute surveillance. En matinée, un jeune homme qui s'est présenté sur place avec un énorme sac à dos, capuchon sur la tête, a été vite interpellé et fouillé minutieusement jusqu'à ce que les policiers soient convaincus qu'il n'avait rien à se reprocher.

UN APPEL DE NEW DELHI DANS LA NUIT

La police recherche toujours deux suspects et dit ignorer les motifs de l'attaque. Rien n'indique pour le moment qu'il s'agit d'un crime haineux ou d'un geste terroriste.

Certaines personnes aimeraient toutefois en avoir la confirmation le plus vite possible.

Le consul général de la République de l'Inde à Toronto, Dinesh Bhatia, dormait à poings fermés dans la nuit de jeudi à vendredi lorsqu'il a été réveillé par un appel en provenance de son ministère, à New Delhi. Là-bas, il faisait jour. Le gouvernement avait vu la nouvelle d'un attentat contre un restaurant indien au Canada.

« Les gens étaient inquiets, ils se demandaient ce qui se passait. Je me suis levé, mais ici, c'était la nuit, alors il n'y avait pas encore beaucoup d'informations disponibles. »

- Dinesh Bhatia, consul général de l'Inde, en entrevue à La Presse

Le diplomate est immédiatement passé à l'action. Il a envoyé deux représentants sur la scène de crime et deux autres à l'hôpital, en plus de se rendre lui-même rencontrer les familles des blessés.

Il a aussi mis sur pied une ligne d'urgence pour faire face à la tragédie. En quelques heures, une trentaine de personnes ont appelé de l'Inde, parce qu'elles s'inquiétaient pour des proches. Toutes les victimes de l'attentat sont d'origine indienne, selon M. Bhatia.

« Les gens sont sous le choc. On ne s'attend pas à quelque chose comme ça à Toronto. Les familles tiennent le coup, mais elles sont sous le choc », a-t-il expliqué.

Pour l'instant, lui aussi refuse d'avancer la moindre hypothèse sur les motifs de l'attentat. « C'est le travail des policiers. Attendons leur rapport. »

Photo fournie par Jason Tremblay

Jason Tremblay est paramédical depuis neuf ans en Ontario. Jeudi dernier, il a été le troisième intervenant médical d'urgence arrivé au restaurant Bombay Bhel.