La Ligue d'action civique vient de déposer deux plaintes, l'une auprès de la Commission municipale du Québec et l'autre au Barreau du Québec, contre le maire de Châteauguay, l'avocat Pierre-Paul Routhier, impliqué dans deux dossiers qui le placent dans «une situation de conflit d'intérêts apparent».

La Ligue d'action civique invoque la Loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale d'une part, ainsi que le Code de déontologie des avocats d'autre part. «On a d'abord demandé à M. Routhier de se retirer de deux dossiers et il a refusé. On a donc passé à l'étape supérieure, qui est le dépôt de plaintes», a indiqué lundi à La Presse le président de la Ligue, Rodolphe Parent.

La semaine dernière, M. Parent a transmis par courriel une lettre au maire Routhier lui exposant pourquoi il ne devrait plus toucher à des affaires qu'il a à titre d'avocat et qui sont de nature municipale. L'une de ces causes concerne le conseiller municipal Michel Gendron poursuivi par Châteauguay en déclaration d'inhabilité et qui sera devant la Cour d'appel le mois prochain.

«Votre situation de maire vous oblige à veiller aux intérêts de la ville et de ses citoyens, votre situation d'avocat-conseil vous oblige à veiller aux intérêts de votre client. Ces deux intérêts sont incompatibles en ce moment, étant donné que la Ville attaque votre client», écrit Rodolphe Parent.

Point de droit 

Le fond du dossier Gendron concerne la déclaration des intérêts pécuniaires que doivent remplir annuellement les élus municipaux. Sous les conseils de Me Routhier et de l'ancien directeur général de Châteauguay, Me Paul G. Brunet, Michel Gendron n'a pas déclaré les immeubles appartenant à son entreprise Gestion Mike Gendron en 2013. Cette entreprise détient l'immeuble du 168, boulevard Saint-Jean-Baptiste, à Châteauguay, qui abrite notamment les bureaux de Me Routhier, Routhier Goulet, avocats.

En entretien avec La Presse, il y a quatre semaines, Pierre-Paul Routhier avait souligné qu'il s'agissait d'un «dossier excessivement important» pour éclaircir un point de droit.

Selon M. Parent, la situation de l'avocat-maire soulève des questions sur le plan de l'éthique municipale, mais également en regard du Code de déontologie des avocats. Ainsi, la Ligue souhaite que non seulement Me Routhier mais également son cabinet se retirent complètement du dossier Gendron. 

Au Barreau du Québec, on souligne que le syndic a l'autorité nécessaire pour agir sans même qu'une demande d'enquête lui soit présentée. La décision ainsi que la démarche demeurent toutefois confidentielles. Au terme de son enquête, si le syndic estime que les faits constatés risquent de compromettre la protection du public, il peut déposer une plainte devant le Conseil de discipline. 

«Notre syndic peut faire une enquête à la suite d'une information publique. Dans ce cas-ci, l'information sur un avocat qui pourrait se trouver en infraction a été largement publicisée. Nous avons confiance en notre syndic», a expliqué le directeur des communications du Barreau, Jean-François Del Torchio. 

Le Barreau précise que Me Routhier est membre du Barreau depuis 2002 et qu'il n'a aucun antécédent disciplinaire.

Maire ou avocat?

L'autre dossier est celui de l'ex-maire de Saint-Constant, Gilles Pépin, qui l'oppose à sa municipalité. M. Pépin réclame le remboursement de ses frais d'avocats alors qu'il était accusé notamment d'abus de confiance (accusations retirées) dans ses fonctions de maire. «Vous créez une ambiguïté dans chacune de vos représentations à titre de maire à l'endroit de la ville de Saint-Constant : êtes-vous le maire ou l'avocat?», soulève dans sa lettre M. Parent. 

La réponse de Pierre-Paul Routhier fut brève. Il a invité M. Parent à se référer à sa déclaration faite en introduction de l'assemblée du conseil municipal du 19 février dernier. Il a affirmé ne pas être en conflit d'intérêts et ne pas avoir de contrat avec la Ville de Châteauguay. Me Routhier a également souligné qu'il ne représentait plus M. Gendron, avant d'ajouter : «J'ai participé en novembre 2016 à l'élaboration du mémoire. Je vais être en Cour d'appel en avril prochain pour répondre aux questions qui peuvent être adressées par le banc des trois juges, et ce, par respect pour la Cour.» «Il n'y aura aucun honoraire qui sera facturé à Mike Gendron pour mon intervention», a-t-il précisé.