Le premier projet d'occupation temporaire d'un immeuble désaffecté fait courir les foules.

Ce projet, approuvé par la Ville, c'est le 204, rue Young, situé en plein coeur du quartier Griffintown : un bâtiment en brique rouge vide depuis au moins six ans, qui abritait autrefois les locaux d'Autodesk, entreprise qui conçoit des logiciels pour les créateurs.

La Ville de Montréal l'a acheté pour le raser et en faire un projet de logement social. Un jour.

En attendant, ce sont des artistes et de jeunes entrepreneurs sociaux qui auront le loisir de l'occuper pour une bouchée de pain.

Visite des lieux.

115 réservations

Pas moins de 126 personnes se sont inscrites sur eventbrite pour visiter le bâtiment, au cours des trois derniers jours. « On ne s'attendait pas à une aussi forte demande », avoue Violaine Des Rosiers, codirectrice générale de la Maison de l'innovation sociale, qui pilote ce projet avec Entremise, organisme sans but lucratif qui veut « connecter des espaces sans personne à des personnes sans espace ».

« Il y a un besoin énorme pour des gens qui souhaitent démarrer des choses et qui n'ont pas accès à des locaux abordables », ajoute-t-elle.

La mission de la Maison de l'innovation sociale, fondée il y a 18 mois, est de soutenir l'entrepreneuriat social pour passer de l'idée à la concrétisation du projet.

Un de dix

Le 204, rue Young est le premier de 10 projets d'occupation temporaire de bâtiments vacants promis par l'administration Plante dans le cadre du Laboratoire transitoire, partenariat public-privé-philanthropique, qui bénéficie d'un soutien financier de Québec.

Objectif : lutter contre l'inoccupation et la sous-utilisation. Il y a environ 900 immeubles vacants à Montréal, dont plusieurs hôpitaux désertés depuis l'ouverture du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM). L'entretien de ces seuls bâtiments coûte 3,5 millions par an aux contribuables.

Le 204, rue Young, beaucoup plus modeste, occupe une superficie de 5000 pieds carrés, dont 3500 pieds carrés d'aires communes, deux toilettes, une douche, des salles communes et une cuisine.

« C'est choquant de penser qu'on dépense des millions d'argent public pour entretenir des bâtiments publics qui ne servent pas au public parce qu'ils sont inoccupés. Et ça dure pendant des années, des années, des années », déplore Jonathan Lapalme, directeur des politiques et du design stratégique, et cofondateur d'Entremise.

22 mois 

Les futurs locataires de la rue Young seront choisis au terme d'un processus de sélection à la fin du mois. Ils pourront s'installer dès la mi-février et occuper les lieux pendant 22 mois, jusqu'au 31 décembre 2019.

Mais sait-on jamais...

« Peut-être que la Ville va trouver ça tellement l'fun que, dans deux ans, elle va décider de le garder et de le donner à la communauté », espère Mme Des Rosiers.

« Ou de l'intégrer au futur projet immobilier », ajoute Philémon Gravel, directeur de l'aménagement et cofondateur d'Entremise. « Il y a des besoins dans le quartier pour des espaces communautaires et abordables. Beaucoup de choses commencent de façon temporaire et deviennent ensuite permanentes. »

D'ici un mois, Philémon Gravel et quelques proches collaborateurs vont peindre les murs en blanc, laver le plancher et installer un nouveau système d'éclairage. « On fait le moins d'interventions possible, précise-t-il. Le but, c'est que les gens deviennent des gardiens des lieux. Pas des locataires. Ils vont payer uniquement les frais : chauffage et électricité. »

Loyer modique

Le coût du loyer sera calculé en fonction du nombre de « têtes de pipe » et de pieds carrés.

Ça veut dire, par exemple, 175 $ par mois pour une personne qui occupe 175 pieds carrés. Ou 442 $ par mois pour cinq personnes qui louent 500 pieds carrés. Ou encore 885 $ pour 10 personnes qui ont besoin de 1000 pieds carrés.

« On a essayé de créer un équilibre entre la superficie occupée et le nombre de personnes, pour ne pas discriminer certains usages qui demandent plus d'espace », explique Jonathan Lapalme, d'Entremise.

Les projets reçus sont très, très variés, assure-t-il.

Pour être retenus, ils doivent toutefois avoir une portée sociale. Les candidats seront choisis en fonction de quatre critères : besoin d'un espace à petit prix, retombées potentielles sur les communautés locales, désir de contribuer à la vie commune et possibilité de synergies avec les autres occupants. Ça vous intéresse ? La date limite est le 22 janvier.