Le ministère des Transports est « une grosse machine », de sorte qu'il faut beaucoup de ténacité pour lui imposer un changement de culture interne.

C'est en ces termes que l'ancien secrétaire général du gouvernement, André Dicaire, aujourd'hui membre externe du comité d'audit du ministère des Transports, explique que les améliorations dans la gestion des contrats se mettent en place à pas de tortue au MTQ. « C'est très lent. Il y a quand même eu des améliorations et des changements qui ont été faits. [...] C'est une grosse machine et le virage se fait, mais ça demande une ténacité de tous les instants pour que le virage continue », a-t-il affirmé à La Presse.

C'est le comité d'audit qui a reçu le printemps dernier le rapport de vérification interne concernant 40 dossiers contractuels dont 39 étaient truffés de non-conformités. On y retrouvait des contrats accordés de gré à gré à répétition à des firmes de génie, des extras, ainsi que l'absence de devis ou même d'estimation des coûts.

La vérification s'est limitée à sept directions territoriales. Le rapport fait également le constat d'un problème d'indépendance pour les professionnels qui devaient analyser la conformité des dossiers avant que le contrat ne soit signé. Selon les sources de La Presse, ces vérificateurs du bureau central du MTQ auraient fait l'objet de pressions après avoir été déplacés sous l'autorité des directions territoriales, celles-là même qu'ils doivent en principe surveiller.

M. Dicaire affirme que ce n'était pas l'effet escompté. 

« Ce n'est pas banal. On ne peut pas tolérer des situations comme ça de façon perpétuelle. »

Un plan d'action pour corriger les problèmes a été enclenché au MTQ. Il sera analysé par le comité d'audit en février prochain, précise M. Dicaire.

L'indépendance de M. Dicaire remise en question

Le comité d'audit est présidé par la sous-ministre Dominique Savoie, qui n'a informé le ministre Robert Poëti que plus d'un an après avoir pris connaissance des problèmes. Aux côtés de Mme Savoie, on retrouve des membres indépendants (M. Dicaire, Denis Bédard, ancien secrétaire du Conseil du trésor, et André Fiset, ancien sous-ministre de Revenu Québec et ancien contrôleur des finances), c'est-à-dire des gens qui ne sont pas liés aux orientations politiques du gouvernement. Leur présence découle de la volonté de Québec de corriger le tir à la suite du rapport du vérificateur général de 2009, qui avait conclu que le MTQ faisait face à des « situations à risque ».

L'indépendance de M. Dicaire est remise en question par certaines personnes contactées par La Presse. Cet ancien patron de la fonction publique québécoise siège au comité d'audit du MTQ - et est donc informé de tous les problèmes touchant les contrats d'infrastructures attribués par le Ministère - , et en même temps, il a agi comme conseiller auprès du Conseil exécutif notamment sur la révision du modèle d'affaires pour le financement des infrastructures.

L'année dernière, André Dicaire a été embauché de gré à gré à deux reprises, d'abord en avril (52 000 $), puis en septembre (72 500 $), afin de « fournir un service-conseil de haut niveau auprès du secrétaire général et greffier du Conseil exécutif », soit le ministère du premier ministre.

Le deuxième mandat a mené M. Dicaire à négocier avec la Caisse de dépôt et placement, ce qui a permis la conclusion d'une entente pour l'éventuel financement d'infrastructures de transports par la Caisse.

Rappelons que le plan québécois des infrastructures (PQI 2015-2025) prévoit des investissements de 88,4 milliards, en premier lieu dans le réseau routier (autoroutes, ponts, échangeurs), les transports collectifs (métro, autobus, trains de banlieue) ainsi que le transport aérien, maritime et ferroviaire.

André Dicaire estime ne pas avoir été en situation apparente de conflit d'intérêts. Ses deux rôles ne se confondaient pas, selon lui. « Pas du tout », s'est d'abord exclamé M. Dicaire. « S'il y avait eu apparence de conflit d'intérêts, c'est seulement deux à trois réunions par année », a-t-il souligné.