La vingtaine d'enquêteurs qui se sont présentés hier au siège social d'Uber Canada, dans le Vieux-Montréal, s'intéressent à des taxes (TPS et TVQ) qui ne sont facturées ni par l'entreprise ni par ses chauffeurs auprès de la clientèle du service UberX.

Tôt en matinée, une vingtaine d'enquêteurs et d'informaticiens de Revenu Québec se sont présentés, boîtes de carton vides et mandats de perquisition en main, pour saisir différents documents dans les bureaux de l'entreprise. Deux mandats de perquisition distincts ont été exécutés.

«Nous avons des raisons de croire que les lois fiscales ne sont pas respectées par l'entreprise. Les enquêteurs sont là pour récolter un maximum de preuves possible pour éventuellement porter des accusations pénales», a déclaré le porte-parole de Revenu Québec, Stéphane Dion.

Selon nos informations, Revenu Québec s'intéresse particulièrement à la perception de la TPS et de la TVQ pour le service UberX.

Tous les chauffeurs de taxi du Québec sont actuellement tenus par la loi d'être inscrits aux fichiers de la TPS et de la TVQ, peu importe les revenus annuels qu'ils tirent de leur travail. Ils doivent aussi déclarer et payer leurs taxes sur une base mensuelle ou trimestrielle.

Pas de permis

Or, comme les chauffeurs UberX ne sont pas des chauffeurs de taxi détenteurs d'un permis, Uber n'exige pas d'eux qu'ils soient inscrits à ces fichiers. Et comme l'entreprise considère que son rôle se limite à fournir une plateforme technologique à ses chauffeurs, elle ne facture pas aux clients d'UberX la TPS et la TVQ. «Le conducteur qui vous a rendu ce service est un particulier, conducteur occasionnel, qui donc ne dispose pas de numéro de TPS ou de TVQ. La prestation vous est facturée en son nom, et Uber n'agit que comme plateforme d'intermédiation», se justifie Uber dans un courriel récemment échangé avec un représentant du soutien à la clientèle, au sujet de la perception des deux taxes.

Lors de la brève formation donnée aux chauffeurs UberX, les représentants de l'entreprise expliquent que c'est la responsabilité des chauffeurs, et la leur seule, de déclarer les revenus qu'ils gagnent à titre de travailleurs autonomes. 

Revenu Québec semble croire, au contraire, que c'est Uber, en tant qu'entreprise, qui offre le service de transport rémunéré. À ce titre, elle doit s'inscrire aux fichiers de la TPS et de la TVQ, facturer les taxes aux clients d'UberX et les reverser à l'État. «Nous sommes face à une situation où on ne sait pas trop si on doit taxer l'employeur ou si c'est au travailleur indépendant de faire sa déclaration. Au Québec, malheureusement, les lois en la matière ne sont pas simples», note Allison Christians, professeure de fiscalité à l'Université McGill. 

Selon elle, Uber et Revenu Québec vont inévitablement débattre de la question à huis clos. «C'est clairement contestable. À défaut d'une entente, ils vont s'en remettre aux tribunaux», croit-elle.

Enfin...

Uber a refusé de répondre aux questions de La Presse, hier, au sujet de la perquisition. Sa porte-parole, Susie Heath, s'est contentée d'envoyer cette déclaration par courriel: «Nous voulons continuer à travailler avec les différents acteurs impliqués au Québec afin de promouvoir l'innovation, la création d'emplois ainsi que de fournir aux consommateurs des options, tant attendues, de transport abordables.»

L'industrie du taxi s'est quant à elle réjouie de la perquisition. «Ça fait un an qu'on crie sur tous les toits qu'Uber veut imposer sa loi et ne respecte pas les règles, notamment en ce qui a trait à la perception de la TPS et de la TVQ. Il était temps qu'il se passe quelque chose», a commenté Benoît Vallée, du Comité provincial de concertation et de développement de l'industrie du taxi.