La photo, affichée sur les réseaux sociaux, était magnifique : un jeune enfant qu’on avait placé sous un rideau de glace turquoise au cœur des gorges de la rivière Sainte-Anne.

Beaucoup de grimpeurs de glace se sont étouffés avec leur café en voyant cette image : ils n’iraient jamais se positionner à cet endroit sans un bon casque et sans avoir évalué le risque de chute de glace.

L’hiver dernier, la publication de photos des jolies cascades du secteur des gorges de la rivière Sainte-Anne a entraîné une telle affluence que le parc naturel régional de Portneuf a dû mettre en place plusieurs mesures pour éviter les débordements.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Les rideaux de glace, comme celui-ci à la gorge de Coaticook, sont très beaux. Mais ils peuvent être très dangereux. Si les grimpeurs de glace portent des casques, c’est qu’il y a une bonne raison.

Ce n’est pas la première fois que des photos publiées sur les réseaux sociaux entraînent un afflux de visiteurs, parfois au détriment de leur sécurité, parfois au détriment de l’environnement.

« Dans l’ouest du Canada et aux États-Unis, il y a eu des accidents », affirme Danielle Landry, maître instructrice des principes Sans trace et fondatrice de De ville en forêt, une petite entreprise spécialisée dans la réduction des répercussions écologiques des activités et évènements de plein air. « Des gens ont géolocalisé des sites qui étaient un peu dangereux. D’autres personnes se sont alors mises en danger parce qu’elles n’avaient pas des compétences techniques suffisantes pour de tels lieux. »

Mais c’est surtout l’environnement qui souffre lorsque trop de gens convergent vers un même lieu. « La beauté, bien captée sur une image, va attirer les gens vers certains lieux, indique Mme Landry. Ça peut être de grands paysages formidables, ça peut être la présence d’une espèce faunique particulière. Ça peut avoir des conséquences si les gens n’adoptent pas un comportement responsable. »

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Danielle Landry, fondatrice de De ville en forêt et maître instructrice des principes Sans trace

Le problème, c’est que certaines photos illustrent justement des comportements nuisibles. « Ça magnifie ces comportements, déclare Danielle Landry. On a envie d’être de ceux qui font comme ça. »

C’est ainsi qu’on voit parfois des gens qui piétinent la végétation, ou qui placent une tente au sommet d’une montagne, au beau milieu d’un fragile tapis de mousse, ou qui allument un feu à un endroit inapproprié.

Et les vidéos ainsi que les images de drone viennent idéaliser encore davantage ces pratiques.

Adopter les bons comportements

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Parfois, sur les réseaux sociaux, on voit des photos de gens piétiner ou carrément camper sur la mousse des sommets. Cette photo, prise dans Charlevoix, montre plutôt une randonneuse marcher sur une surface solide.

Une petite révision des principes Sans trace s’impose. Il ne s’agit pas d’une liste de règlements, mais de grands principes qu’il faut comprendre pour ensuite décider soi-même des comportements à adopter, précise Mme Landry.

Voici ces fameux sept principes : se préparer et prévoir, utiliser les surfaces durables, gérer adéquatement les déchets, laisser intact ce que l’on trouve, minimiser l’incidence des feux, respecter la vie sauvage et respecter les autres utilisateurs.

Il existe également des principes, sous le nom Nature First, qui visent particulièrement les photographes de la nature et qui s’appliquent tout à fait aux photos qu’on publie sur les réseaux sociaux.

Il s’agit avant tout de faire passer le bien-être de la nature avant la photographie. Il faut aussi s’informer au sujet de l’endroit visité et réfléchir aux répercussions de ses actions. Il faut également faire preuve de discrétion lorsque vient le temps de localiser un lieu. Évidemment, il faut suivre la réglementation en vigueur, suivre les principes Sans trace et sensibiliser les autres au sujet de l’ensemble de ces principes.

Car les photos diffusées sur les réseaux sociaux peuvent très bien mettre en valeur de bons comportements. Par exemple, des randonneurs qui pataugent au beau milieu d’un sentier un peu boueux au lieu de marcher sur la végétation hors sentier.

Une « belle » photo

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Sur les réseaux sociaux, on voit relativement peu de photos de mauvais temps en plein air. Cela donne une image faussée de l’expérience.

Mais il y a là un autre problème. Sur les réseaux sociaux, on ne voit pas souvent de photos de randonneurs épuisés, couverts de boue, en train d’essayer de monter une tente réfractaire sous la pluie battante.

Bien sûr, ce n’est pas le moment idéal pour sortir un appareil photo ou un téléphone cellulaire. Mais il y a plus. « Les gens sont moins tentés de montrer la réalité de l’expérience plein air, la quotidienneté », indique Danielle Landry.

Les photos qu’on trouve sur les réseaux sociaux ont tendance à idéaliser l’expérience en plein air, au risque de causer une vilaine surprise aux néophytes qui se rendent sur place et qui constatent que la nature peut parfois être hostile.

Autre problème, ces belles images d’adeptes de plein air dotés de vêtements et d’équipement chers, aux couleurs qui s’agencent à merveille, peuvent également décourager les débutants.

« Ça rend un peu inaccessible l’idée du plein air pour la personne qui n’a qu’un équipement ordinaire, qui n’a pas un manteau à 400 $ », affirme Mme Landry.

Bref, les amateurs de plein air peuvent faire un petit effort de réflexion avant de mettre une photo sur les réseaux sociaux. Mais les gestionnaires de site et les promoteurs de tourisme ont également un rôle à jouer : leurs photos ont aussi un grand pouvoir.

Consultez le site de Sans trace Canada Consultez le site de Nature First (en anglais)

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Ce n’est pas parce que c’est l’hiver qu’on ne peut pas faire de kayak d’eau vive. Demandez à la kayakiste professionnelle Nouria Newman.

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Chiffre de la semaine

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