Ce sont les premiers mouvements qui semblent les plus difficiles : se lever dans le canot, mettre le bout du chausson sur ce qui paraît être une bonne prise de pied au bas de la paroi, tenter de se hisser hors de l’embarcation, sentir celle-ci s’éloigner légèrement du roc, déplacer rapidement son poids sur la paroi pour ne pas faire le grand écart au-dessus de l’eau…

Faire de l’escalade sur la paroi Éléphant, au parc régional du Poisson Blanc, c’est quelque chose d’assez unique. La falaise d’une trentaine de mètres de hauteur tombe directement dans l’eau du réservoir du Poisson Blanc. Pour s’y rendre, il faut une embarcation. Pour grimper, il faut sortir de ladite embarcation. Pour assurer son partenaire, on peut s’installer de la façon la plus sécuritaire possible dans l’embarcation ou, pour certaines voies, s’installer au-dessus de l’eau en s’attachant à un relais au bas de la paroi.

Il faut évidemment éviter d’échapper une pièce d’équipement. Parce que ça fait plouf et que ça fait mal au portefeuille.

Mais pour l’atmosphère, surtout tôt le matin, alors que l’eau du réservoir se transforme en miroir et que les oiseaux chantent à qui mieux mieux, c’est incomparable.

Il est difficile de savoir qui ont été les premiers hurluberlus à grimper la paroi. Jérémie Gravel, directeur général de la Corporation du parc du Poisson Blanc, raconte toutefois que ce sont des grimpeurs associés à l’ancien gym d’escalade Vertical Reality, à Ottawa, qui ont installé les premiers ancrages, il y a une vingtaine d’années. Le camp de vacances Air-Eau-Bois, situé au sud du réservoir, offrait des séjours axés sur l’escalade et organisait des expéditions à la paroi pour les jeunes.

« Moi-même, j’ai animé ces groupes-là il y a peut-être 17 ou 18 ans », se rappelle M. Gravel.

La Corporation du parc du Poisson Blanc a commencé à travailler sur la paroi en 2018 en collaboration avec la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME).

Il y avait une poignée de voies. Les grimpeurs qui les avaient ouvertes étaient de bons grimpeurs. Ils s’étaient concentrés sur les voies les plus longues, les plus difficiles. Nous avons fait des efforts pour démocratiser la paroi avec une diversité de voies, nous avons développé des voies plus faciles, du 5.7, du 5.8, du 5.9.

Jérémie Gravel, directeur général de la Corporation du parc du Poisson Blanc

À l’heure actuelle, la paroi compte une vingtaine de voies qui peuvent être grimpées en tête en mode sport (des protections fixes sont installées à intervalles réguliers) ou en mode traditionnel (il faut installer ses propres protections). Un sentier permet de se rendre en haut de la paroi pour installer des moulinettes, ce qui permet aux gens moins expérimentés de grimper avec une corde qui les protège à partir du haut.

Des terrains de camping permettent de s’installer à quelques coups de pagaie de la paroi.

Le parc et la FQME travaillent à ouvrir de nouvelles voies sur la paroi Éléphant (qui porte ce nom parce qu’avec un peu d’imagination, on y voit effectivement un éléphant). Mais aussi, ils travaillent sur une toute nouvelle paroi, un peu plus au nord, la paroi de l’Écho.

Jérémie Gravel ne cache pas son enthousiasme.

PHOTO MARIE TISON, LA PRESSE

C’est le départ qui peut être délicat.

« La paroi de l’Écho est plus haute, elle fait une soixantaine de mètres, on peut faire des double pitches [des voies avec un relais au milieu]. Il y a aussi des voies qu’on peut faire à partir de la terre ferme et du deep water soloing [ou psicobloc : de l’escalade sans protection qui se fait au-dessus de l’eau]. Il y a une belle diversité. »

Il note le travail de Socrate Badeau et de Jonathan Leblond, qui ont passé des heures à ouvrir les voies de la paroi Éléphant et qui récidivent avec la paroi de l’Écho.

« Ces gars-là, c’est des machines. Quand ils se lancent sur une voie, ils ne sont pas capables de décrocher avant d’avoir terminé. Ils sont venus il y a un mois avec trois de leurs amis du Club d’escalade de Lanaudière pour commencer le développement de la paroi de l’Écho. Ils ont ouvert cinq voies, brossées à la grandeur, en trois jours. »

La Corporation du parc du Poisson Blanc leur donne le matériel nécessaire, le soutien logistique.

« À travers tout ça, on a développé une belle relation d’amitié. »

PHOTO MARIE TISON, LA PRESSE

Sur certaines voies, on peut assurer du bas de la falaise. Mais le canot n’est pas loin.

Pour le parc, l’escalade est une activité particulièrement importante.

« C’est clairement un élément distinctif, explique Jérémie Gravel. Dans notre rayon, il n’y a pas d’autres plans d’eau qui ont cette caractéristique géomorphologique là, ces falaises qui plongent dans le réservoir. C’est quelque chose que nous voulons exploiter. »

En outre, le parc veut ajouter l’escalade aux activités que peuvent pratiquer les visiteurs, de façon à amener ceux-ci à prolonger leur séjour. Le Poisson Blanc est actuellement reconnu pour les balades en canot et le camping sur les îles.

« L’escalade est en croissance au Québec, note M. Gravel. C’est une activité qui tient les gens en forme. Il y a un certain risque, mais si c’est fait de manière sécuritaire, c’est ben le fun. »

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