Le Québécois vient d'inaugurer sa nouvelle oeuvre au jardin du Palais-Royal à Paris. Oups. Pardon. Au «Jardin des belles lettres...» Elle s'ajoute à celles qu'il a semées un peu partout sur la planète. Petite tournée, en compagnie de l'artiste.

«Je préférerais être dans mon atelier.» Michel Goulet l'avoue d'emblée. Les événements protocolaires ne sont pas son fort. Il aime mieux être dans l'ombre qu'à la lumière, et se dit mal à l'aise dans ce genre de contexte.

Malgré tout, l'artiste québécois dissimule mal sa satisfaction, voire sa fierté, si l'on en juge par sa sympathique moustache qui lève vers le haut.

Et pour cause.

Sa nouvelle oeuvre, Dentelles d'éternité, est dévoilée ce jour-là dans les jardins du Palais-Royal à Paris. Il s'agit de 18 «bancs-poèmes», qui font écho aux 10 «chaises-poèmes» que l'artiste avait inaugurées, il y a deux ans, au même endroit.

Il faut croire que les autorités françaises aiment bien Michel Goulet. Ce sont elles, par l'entremise du Centre des monuments nationaux, qui lui ont demandé de récidiver. Dans la foulée, elles ont même décidé de rebaptiser le parc qui, désormais, s'appelle officiellement le «Jardin des belles lettres»...

Le concept des bancs-poèmes est tout simple. Trente-six extraits de poèmes ont été gravés par l'artiste sur le dossier des bancs.

Dans une allée, 18 textes de femmes, dont la moitié signée Colette. Dans l'autre, 18 textes d'hommes, dont la moitié signée Cocteau. Au total, 20 auteurs du XXe siècle, dont 2 Québécois: Josée Yvon et Paul-Marie Lapointe.

Les textes ont été sélectionnés avec la complicité de François Massut, dynamo du milieu de la poésie en France. Mais Goulet, dont les oeuvres font souvent la part belle à la littérature, affirme avoir eu «le dernier mot».

Pour Michel Goulet, c'est encore le même principe. Créer des installations d'art public, sous forme de mobilier urbain, avec une préférence pour les chaises, un thème récurrent dans sa carrière. Pourquoi? Parce que «tout [son] travail parle de rencontres» et que les chaises permettent de «créer une interaction entre les gens».

Le fait d'«installer» à Paris ajoute à son orgueil, indique-t-il. Non pas pour les avantages professionnels et financiers que cela peut lui apporter, mais pour le plaisir de faire le pont avec le Québec et celui de travailler dans un environnement plus inspirant que la moyenne.

«Ici, presque partout où tu t'installes, c'est un écrin pour les oeuvres, fait-il remarquer, l'oeil brillant derrière ses petites lunettes rondes. Ce n'est pas toujours le cas chez nous», où l'on n'a pas toujours la même conscience de l'Histoire et de la beauté.

Qui aurait cru? Il y a 50 ans, lors de sa première visite parisienne, Michel Goulet avait été séduit par les chaises des jardins du Palais-Royal, que l'on pouvait déplacer dans l'espace, au gré des besoins, sous diverses configurations, jusqu'à créer de «petits microcosmes».

Aujourd'hui, c'est lui qui contribue au mobilier de ce parc bien connu. Comme il a contribué à d'autres lieux en Amérique et en Europe. Sa façon à lui d'induire des rencontres et de contribuer au rayonnement de l'art québécois dans le monde.

Michel Goulet en cinq oeuvres

Alchimie des ailleurs, 2011 (Charleville-Mézières, France)

La ville d'origine d'Arthur Rimbaud. Dix-huit chaises-poèmes installées entre le musée et la maison du poète. «Tous les dossiers ont été dessinés par les citoyens. J'ai ensuite gravé les motifs dans l'acier inoxydable.»

Le Jardin des curiosités, 2001 (Lyon, France)

Six chaises regardent vers des lieux «qui ne sont pas vraiment là», dit l'artiste. L'une est tournée vers le mont Blanc, une autre vers Montréal. Le tout installé en surplomb de la ville.

PHOTO FOURNIE PAR MICHEL GOULET

Alchimie des ailleurs, 2011 (Charleville-Mézières, France)

Les espaces du dedans, 2014 (Namur, Belgique)

Trente-six chaises réparties en neuf lieux «dans les plus beaux endroits de la ville». Textes d'Henri Michaux et de 21 poètes contemporains.

Fair Grounds, 2001 (Toronto)

Huit chaises de toutes époques, réunies deux par deux «pour créer un momentum entre deux individus». Le tout complété par 16 mâts avec rubans colorés qui s'entremêlent, comme «des interactions entre les gens».

Nulle part/Ailleurs, 2002 (Sherbrooke)

La ville où l'artiste a grandi. Dix-huit chaises installées près du lac des Nations, contemplant la rivière. Sur leur dossier, des textes du poète Luc LaRochelle.

PHOTO FOURNIE PAR MICHEL GOULET

Les espaces du dedans, 2014 (Namur, Belgique)