Cette année, les algues sont de retour dans le Sud, et plus que jamais. Imprévisibles et malodorantes, elles transforment les plages paradisiaques en mares végétales peu invitantes. Cette situation peut-elle être esquivée? A-t-on des recours si les algues donnent un vague à l'âme à nos vacances?

Quelles sont les régions concernées?

En 2018, les deux zones les plus touchées par des accumulations d'algues sont principalement les Caraïbes, aux prises avec d'importantes quantités d'algues sargasses, et la Floride, qui a reçu des algues rouges sur sa côte ouest et des algues sargasses sur la côte est. La Riviera Maya (côte sud-est du Mexique), la République dominicaine et les Antilles ont été particulièrement exposées.

Peut-on anticiper le dépôt d'algues?

Non. La situation peut changer de façon importante d'une période à l'autre, en fonction des vents et marées. Néanmoins, certains outils et cartes en ligne peuvent nous aider à court terme. Le site Seas Forecast recense et prévoit les mouvements d'algues sargasses dans le golfe du Mexique et les Caraïbes, et donne accès à des caméras filmant en direct les plages (on peut aussi recourir au site Skyline webcams si certaines caméras ne fonctionnent pas), tandis que l'outil Visit Beaches détaille la situation de chaque plage et la présence d'algues rouges en Floride.

Peut-on se faire rembourser?

Les voyagistes prennent généralement soin de faire part de l'éventualité du problème aux clients qui souhaitent se rendre dans les zones concernées. «Ils sont prévenus par nos agents de la potentielle présence d'algues», indique Annie Gauthier, porte-parole pour CAA-Québec. Même chose chez Transat, où un message d'avertissement est affiché sur le site internet du groupe.

Et il ne faudra pas compter sur un remboursement. «On comprend que certains clients peuvent vivre une déception, mais c'est un phénomène qui est hors de notre contrôle et que l'on n'est pas en mesure de prévoir, justifie Debbie Cabana, porte-parole d'Air Transat. Nous n'offrons pas de garantie. Par contre, un client peut demander à changer d'hôtel, sous réserve des disponibilités, et devra assumer la différence tarifaire s'il y en a une.»

L'Office de protection du consommateur (OPC) a enregistré une dizaine de plaintes relatives à la présence d'algues depuis 2014, dont une seule en août 2018. «Si un vacancier considère que son voyage a vraiment été gâché, il peut prétendre [si c'est bien le cas] que l'agence de voyages ne l'a pas informé de la problématique et intenter un recours devant la division des petites créances», indique Charles Tanguay, porte-parole de l'OPC.

Peut-on prendre une assurance?

Certains voyagistes, comme Air Canada, Sunwing ou Transat, offrent des options d'assurance pour annuler ou modifier son séjour, mais elles doivent être jouées avant le départ. Il est donc trop tard une fois qu'on a les pieds dans les algues.

«Notre plan de protection Sans Souci permet aux voyageurs d'annuler leur réservation jusqu'à trois heures avant leur départ, et ce, peu importe la raison», précise Marie-Josée Carrière, directrice, marketing, chez Sunwing. Le tarif de ces options démarre généralement à 49 $. 

«L'option Flex chez Transat doit être achetée en même temps que le forfait vacances. On ne pourra la rajouter plus tard», souligne Mme Cabana. 

Que font plages et hôtels pour y remédier?

Évidemment, la présence d'algues sargasses exhalant de délicieuses odeurs d'oeuf pourri est une véritable plaie pour les complexes hôteliers et touristiques. Ceux-ci font donc tout ce qui est en leur pouvoir pour ramasser, voire contenir les tonnes d'algues qui déferlent sur les plages. «Les hôteliers investissent de plus en plus dans des outils de ramassage et dans des barrières pour améliorer la situation», indique Debbie Cabana.

Photo Brynn Anderson, Associated Press

La Floride a reçu des algues rouges sur sa côte ouest et des algues sargasses sur la côte est.

À Punta Cana, en République dominicaine, un système de rétention mis au point par des ingénieurs français a été placé pour limiter l'invasion. Le phénomène semblant s'amplifier avec les années, ce type d'installation devrait proliférer.

Que faire si les algues sont au rendez-vous?

Inutile de prendre une pelle et se remémorer les joies hivernales québécoises; il n'y a pas grand-chose à faire. Les hôtels et les offices de tourisme conseillent généralement de se rabattre sur d'autres activités ou de se baigner en piscine, en attendant que le nettoyage se fasse et que les marées remportent les algues. La situation peut changer du jour au lendemain, mais il est impossible de prévoir combien de temps elle peut perdurer.

Est-ce dangereux?

Dans le cas des marées rouges floridiennes, «ces algues sont connues pour produire des brévétoxines qui affectent le système nerveux central des poissons et des autres animaux. Elles peuvent aussi causer des problèmes respiratoires chez les humains lorsqu'elles sont libérées dans l'air», prévient Philippe Juneau, professeur au département des sciences biologiques de l'UQAM. Son ingestion ou le contact avec les yeux peuvent être très nocifs.

L'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) française s'est penchée sur les effets des algues sargasses que l'on trouve dans les Caraïbes. Dans son rapport, elle indique que l'hydrogène sulfuré émanant de la décomposition de ces algues peut être toxique, surtout à haute concentration et en cas d'exposition prolongée. À petite dose, et même à court terme, elle provoquerait des irritations respiratoires. «Celles-ci ne produisent pas de toxines qui peuvent causer la mort, mais principalement un désagrément esthétique sur les plages, avec des odeurs et des monticules», indique M. Juneau.

Dans la mesure où ces algues sont rapidement ramassées sur les plages fréquentées, ces risques seraient donc limités.

Pourquoi et quand les algues se forment-elles?

«Le développement des algues, qu'elles soient microscopiques ou macroscopiques comme les sargasses, dépend de certains facteurs, comme les vents, courants, marées et nutriments. Certaines années sont donc plus propices à leur développement et leur transport vers les côtes, explique le biologiste Philippe Juneau. Il est aussi de plus en plus probable, selon certaines études scientifiques, que les changements climatiques jouent un rôle dans la prolifération de certaines espèces d'algues.»

Photo Eduardo Verdugo, Associated Press

La Riviera Maya (côte sud-est du Mexique), la République dominicaine et les Antilles ont été particulièrement exposées aux accumulations d'algues.